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DU BUDDHISME INDIEN.

Si les Tibétains connaissent ces noms dont ils peuvent donner la véritable forme sanscrite, c’est que ces noms ont existé dans le Buddhisme indien ; et le témoignage des interprètes tibétains, indépendamment de toute autre preuve, suffirait déjà pour établir l’authenticité de cette séparation du Buddhisme en quatre écoles portant les titres que je viens d’énumérer. Mais nous avons heureusement une preuve plus directe de leur existence. Je la trouve dans un ouvrage déjà cité, dans le commentaire de l’Abhidharma kôça, cette inépuisable mine de renseignements précieux sur la partie spéculative du Buddhisme. Dès le début de son ouvrage, le commentateur expliquant un mot de peu d’importance, croit que l’auteur a employé ce mot pour exprimer la pensée suivante :

« Tel est le sentiment de ceux qui suivent l’Abhidharma ; mais ce n’est pas celui de nous autres Sâutrântikas. La tradition nous apprend en effet l’existence d’auteurs de traités sur l’Abhidharma, comme par exemple l’Ârya Kâtyâyanî puttra, auteur du Djñâna prasthâna ; le Sthavira Vasumitra, auteur du Prakaraṇa pâda ; le Sthavira Dêvasarman, auteur du Vidjñana kâya ; l’Arya Çâriputtra, auteur du Dharma skandha ; l’Ârya Mâudgalyâyana, auteur du Pradjñapti çastra ; Pûrṇa, auteur du Dhâtukâya ; Mahâ Kâuchthila, auteur du Sam̃giti paryâya. Quel est le sens du mot les Sâutrântikas ? On appelle ainsi ceux qui prennent pour autorité les Sûtras et non les livres. Mais s’ils ne prennent pas pour autorité les livres, comment donc admettent-ils la triple division des livres en Sûtra piṭaka, Vinaya piṭaka et Abhidharma piṭaka ? On parle en effet de l’Abhidharma piṭaka dans les Sûtras, à l’endroit où il est question d’un Religieux connaissant les trois Piṭakas. Et cela n’est pas étonnant, car il y a quelques Sûtras, comme l’Artha viniçtchaya et autres, ayant le nom d’Abhidharma, dans lesquels est donnée la définition de l’Abhidharma. Pour répondre à cette objection, l’auteur dit : C’est que l’Abhidharma a été exposé par Bhagavat au milieu d’autres matières[1]. »

Ce texte, on le voit, ne laisse aucun doute sur le sens du titre de Sâutrântika ; ce titre désigne ceux qui suivent une doctrine, où l’on admet avant tout l’autorité des Sûtras. Quant à la double secte des Sâutrântikas dont Csoma nous apprend l’existence, je ne la trouve pas positivement indiquée par le commentaire de l’Abhidharma kôça. Cependant il faut probablement voir une allusion à quelque division des Sâutrântikas dans ce passage où il est dit d’un certain auteur : « Il n’est ni de l’école des Sûtras, ni de celle des similitudes, na dârchṭântikaḥ[2]. » Quand on allègue une similitude, un exemple, il faut raisonner pour en faire l’application à la thèse qu’on veut démontrer.

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 9 b et 10 a, man. Soc. Asiat..
  2. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 32 a et f. 36 b, man. Soc. Asiat..