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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

L’étude des commentaires rédigés d’après les vues de ces deux écoles pourrait seule nous apprendre jusqu’à quel point les ouvrages appartenant à la collection népâlaise que nous possédons à Paris en soutiennent ou en contredisent les théories. Car ce sont en général les mêmes textes qui servent de fondement à toutes les doctrines ; l’explication seule de ces textes en marque la tendance naturaliste, théiste, morale ou intellectuelle. Ce point a été mis dans tout son jour par les citations qu’a extraites M. Hodgson de divers ouvrages buddhiques du Népâl, et qu’il a rassemblées pour servir de preuves aux diverses expositions du Buddhisme qu’il avait fait paraître dans l’Inde et en Angleterre[1]. On peut apprécier par là quelle part ont dû avoir les commentateurs dans la formation et le développement des sectes, et en même temps on voit qu’il faut admettre que la rédaction des textes dont ils s’autorisent est de beaucoup antérieure à la naissance des diverses écoles qui les interprètent chacune dans son intérêt. Ici encore nous sommes ramenés à cette observation de M. Hodgson, que le Buddhisme est un vaste système à la formation duquel ont concouru et le temps et les efforts de plus d’un philosophe. Distinguer les époques et les doctrines est sans doute une entreprise fort délicate, mais ce doit être le but de la critique. Or pour distinguer, il faut limiter le champ de la recherche, examiner quelques textes choisis, et n’appliquer qu’à ces textes seuls les conséquences qu’on en tire. C’est seulement quand tous les livres auront été soumis à un pareil examen qu’on pourra se faire une idée de leurs ressemblances et de leurs différences. Voilà pourquoi je n’insiste pas davantage ni sur les écoles des Kârmikas et des Yâtnikas, auxquelles la Pradjnâ pâramita a fourni sans doute des données, sans en être le livre fondamental, ni sur l’école théiste, aux opinions de laquelle la Pradjnâ pâramitâ est également étrangère. Mais j’avertis ceux des lecteurs qui désireraient dès à présent se former une idée exacte de ce que je regarde comme des développements relativement modernes du Buddhisme que les deux premières écoles sont appréciées dans les Mémoires souvent cités de M. Hodgson, et que c’est dans les dissertations de M. Schmidt, si riches en extraits des textes mongols, qu’il faut chercher comment le système primitif de la métaphysique de Çâkya s’est élevé à la notion d’une Divinité absolue et suprême, qui lui a, selon moi, manqué dans l’origine.

Le résumé des quatre grandes écoles philosophiques qu’on vient de lire peut passer pour l’expression de la tradition népâlaise vérifiée par les textes auxquels a eu accès M. Hodgson. Mais nous allons voir que ce résumé n’est pas com-

  1. Quotations from Sanscr. author., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 71 sqq., et Journ. of the Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 72. Conf. Europ. Specul. on Buddh., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. III, p. 502, note.