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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

à honorer les Tchâityas de Bhagavat, en leur offrant des parfums, des guirlandes de fleurs, et en faisant résonner une multitude d’instruments ; et il entendit la Loi, et il témoigna du respect à l’assemblée. Un jour il se rendit à l’ermitage de Kukkutâ ârâma ; là se trouvait le Sthavira nommé Yaças, qui était un Arhat doué des six connaissances surnaturelles. Vîtâçôka vint s’asseoir devant lui pour entendre la Loi. Le Sthavira se mit à le considérer, et aussitôt il reconnut que les causes [de sa conversion] étaient accumulées en lui, qu’il était parvenu à sa dernière existence, et qu’il devait dans ce corps même atteindre à l’état d’Arhat. C’est pourquoi il se mit à faire l’éloge de la vie de mendiant, pour le décider à l’embrasser. Vîtâçôka ne l’eut pas plutôt entendu qu’il conçut ce désir : Puissé-je devenir mendiant sous la Loi de Bhagavat ! Alors se levant, il parla ainsi au Sthavira, en tenant ses mains réunies en signe de respect : Puissé-je embrasser la vie religieuse sous la discipline de la Loi bien renommée ! Puissé-je obtenir l’investiture et devenir Religieux ! Puissé-je pratiquer devant toi les devoirs de la vie religieuse ! Ami, lui répondit le Sthavira, fais connaître ton désir au roi Açôka. Vîtâçôka s’étant donc rendu au lieu où se trouvait le roi, lui dit les mains réunies en signe de respect : Ô roi, accorde-moi ta permission ; je désire embrasser la vie religieuse sous la discipline de la Loi bien renommée, en quittant la maison avec une foi parfaite. Et il prononça cette stance :

J’étais égaré comme l’éléphant qui ne connaît plus l’aiguillon ; mais grâce au frein puissant de ton intelligence, j’ai été sauvé de mon égarement par les instructions du Buddha.

Aussi dois-tu, ô souverain maître des rois, m’accorder une faveur ; permets-moi de porter les signes heureux de la Loi parfaite, de la première des lumières du monde.

En entendant ces paroles, Açôka se jeta, les larmes aux yeux, au cou de son frère, et lui dit : Vîtâçôka, renonce à cette résolution : dans la vie de mendiant, on a des rapports et on vit avec des gens de castes inférieures ; on n’a pour vêtement que des lambeaux d’étoffe ramassés dans la poussière où les ont jetés les esclaves ; pour nourriture, que ce qu’on obtient en mendiant chez les autres ; pour lit et pour siége, que de l’herbe étendue au pied d’un arbre. Quand on est malade, on n’a pour se coucher que des feuilles ; il est difficile de se procurer des médicaments ; on n’a pour nourriture que ce que les autres rejettent[1]. Et toi tu es délicat ; tu es incapable de supporter les douleurs de la faim, de la soif, de la chaleur et du froid : renonce, je t’en conjure, à ton dessein. Non, seigneur, reprit Vîtâçôka, ce serait penser comme l’homme qui a soif des objets ; mais celui

  1. Le texte dit : dhûti bhôdjanam ; ne faudrait-il pas plutôt lire : pûti bhôdjanam, « des aliments gâtés ? »