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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


Lorsque, par la force de sa puissance surnaturelle, le guide, le précepteur, sur l’invitation de Sumâgadha, se rendit [auprès d’elle], alors saisissant par ma force surhumaine le sommet d’une montagne, je me transportai rapidement à Puṇḍra vardhana.

Alors le sage, ami de la miséricorde, qui était né dans la famille des Çâkyas, me donna l’ordre suivant : Tu n’entreras pas dans le Nirvâṇa complet, tant que la Loi n’aura pas disparu.

Et de plus, ô grand roi, lorsque jadis, au moment où Bhagavat était entré dans Râdjagriha pour mendier son repas, tu jetas dans son vase une poignée de terre, en disant avec l’enfantillage de ton âge : Je vais lui donner de la farine, et que Râdhagupta[1] t’approuva ; lorsqu’à cette occasion Bhagavat fit sur toi la prédiction suivante : Cent ans après que je serai entré dans le Nirvâṇa complet, cet enfant sera dans la ville de Pâtaliputtra le roi nommé Açôka ; ce sera un Tchakravartin, souverain des quatre parties de la terre ; ce sera un roi juste, un roi souverain, qui fera la distribution de mes reliques, et qui établira quatre-vingt-quatre mille édits royaux de la Loi ; lors de tous ces événements, je me trouvais dans cette ville. Et il ajouta cette stance :

« Lorsque tu as jeté dans le vase du Buddha une poignée de terre, voulant avec l’enfantillage de ton âge lui témoigner de la bienveillance, je me trouvais là en ce moment.

Le roi reprit alors : Sthavira, où séjournes-tu maintenant ? Au nord du premier des étangs, sur la montagne Gandhamâdana, répondit le Sthavira ; j’habite, ô prince, avec d’autres Religieux qui suivent la même règle que moi. Quel est, dit le roi, le nombre de ceux qui entourent le Sthavira ? — Ma suite, ô roi des hommes, est de soixante mille Arhats ; c’est avec ces sages exempts de désirs et vainqueurs du péché que je passe ma vie. Mais, ô grand roi, pourquoi laisserais-je pénétrer le doute dans l’esprit de l’Assemblée des Religieux ? Aussitôt que l’Assemblée aura pris son repas, je la satisferai par une instruction agréable. Qu’il soit ainsi que le Sthavira l’ordonne, répliqua le roi. Quant à moi, rappelé au souvenir du Buddha, je donnerai le bain à l’arbre Bôdhi, et immédiatement après j’offrirai une excellente nourriture à l’Assemblée des Religieux. Alors le

  1. La présence du nom de Râdhagupta pourrait ici causer un embarras dont la suite de la légende nous donne le moyen de sortir. Nous avons vu plus haut que le jeune enfant qui jouait avec Djaya, c’est-à-dire Açôka, dans celle de ses existences où il était contemporain de Çâkya, se nommait Vidjaya. (Ci-dessus, p. 336, note 1.) Comment donc Piṇḍôla peut-il dire, comme il fait dans notre texte, que Râdhagupta donna son assentiment à la libéralité du petit Djaya ? C’est que, d’après la suite de la légende que nous verrons bientôt, Râdhagupta, le ministre d’Açôka, avait été ce Vidjaya lui-même, et que Piṇḍôla nomme ces deux personnages par le nom qu’ils portent au moment même où il leur parle.