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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

parer pour aller honorer les Stûpas de Bhagavat. Alors, entouré de la foule de ses ministres, il se rendit à Kukkuṭa ârâma, et là, se tenant à la place d’honneur, il dit, les mains réunies en signe de respect : Y a-t-il une seconde personne qui ait été, de la part du Sage qui voyait tout, l’objet d’une prédiction pareille à celle qu’il a faite pour moi, lorsque je lui offris [dans une autre existence] une poignée de terre[1] ? Alors Yaças l’ancien de l’Assemblée lui répondit ainsi : Oui, grand roi, il en existe une. Lorsque Bhagavat, sur le point d’entrer dans le Nirvâṇa complet, après avoir converti le Nâga Apalâla[2] et la Tchâṇḍâlî Gôpâlî, femme du potier[3], se rendait à Mathurâ, il s’adressa ainsi au respectable Ânanda : Dans cette ville de Mathurâ, ô Ânanda, cent ans après que je serai entré dans le Nirvâṇa complet, il y aura un marchand de parfums nommé Gupta. Ce marchand aura un fils nommé Upagupta[4], qui sera le premier des interprètes de la Loi, et un Buddha véritable, moins les signes exté-

  1. Ceci est une allusion à l’action vertueuse que fit Açôka, dans une existence antérieure, un jour que Çâkya passait près de lui. Açôka était alors un petit garçon nommé Djaya, qui jouait sur le grand chemin, dans la poussière, avec un autre enfant de son âge, nommé Vidjaya. À la vue des perfections du Buddha, il fut touché de bienveillance ; et avec l’intention de donner de la farine au Religieux, il jeta dans son vase une poignée de terre. (Divya avad., f. 228 b de mon man.) La légende dans laquelle ce fait est raconté a le titre de Pâm̃çu pradâna, « l’aumône d’une « poignée de terre ; » c’est le préambule de celle d’Açôka ; et cela est naturel dans les idées buddhiques, puisque cette légende raconte celle des anciennes existences d’Açôka, où il acquit les mérites qui devaient l’élever plus tard à la royauté, et en faire le plus glorieux protecteur du Buddhisme. Il importe de rapprocher cette note du commencement du chapitre où Fa hian raconte brièvement l’histoire d’Açôka. La traduction de M. A. Rémusat, corrigée par Klaproth, n’est pas suffisamment claire ; elle fait d’Açôka encore enfant un contemporain de Çâkyamuni, ce qui est une erreur qu’augmente encore une note de Klaproth. (Foe koue ki, p. 293 et 295.) Tout devient clair si l’on admet, comme cela est indispensable, que Fa hian a voulu dire quelque chose d’analogue à ceci : « Dans le temps où celui qui fut plus tard Açôka était un petit enfant « contemporain de Çâkyamuni. »
  2. Le Nâga Apalâla était un dragon qui résidait dans la source du fleuve que Fa hian nomme Sou pho fa sou thou, c’est-à-dire en sanscrit Çubhavastu, et dans la géographie ancienne Svastus, le Sewad de nos cartes, ainsi que l’a fait voir Lassen. (Zur Geschichte der Griech. und Indoskyth. Könige, p. 135.) La légende de ce Nâga, que les Chinois nomment très-exactement A po lo lo, est racontée fort en détail par M. A. Rémusat. (Foe koue ki, p. 53.)
  3. Je n’ai pas retrouvé dans nos recueils de légendes celles de la Tchâṇḍâlî Gôpâlî.
  4. C’était un usage général dans l’Inde, au temps du Buddhisme, de donner à un fils le nom de son père, en l’en distinguant par l’addition du préfixe upa (sous), comme ici : Gupta le père, et Upagupta le fils ; Nanda et Upananda ; Tichya et Upatichya. L’addition de ce préfixe donnait au composé le sens de « celui qui est sous Nanda, » et par extension, « le petit Nanda. » Il y aurait à faire, sur les noms propres, des recherches qui ne seraient pas sans intérêt pour l’histoire de la littérature indienne. Ainsi, les noms buddhiques sont en général empruntés à ceux des constellations lunaires, comme Puchya, Tichya, Râdha, Anurâdha et autres ; mais on n’en rencontre aucun qui rappelle les noms familiers à la mythologie moderne, comme sont Krĭchṇa, Gôpâla, Mâdhava, Râdhâ, Dêvî, Pârvatî, Gâurî et autres semblables. On peut dire en toute assurance qu’il y a, entre les noms propres buddhiques et ceux des Purâṇas, la même différence qu’entre ces derniers et ceux des Vêdas, avec lesquels les dénominations buddhiques offrent une