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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

reine avait envoyé pour Açôka du riz cuit mêlé avec du lait caillé dans un vase de terre.

Alors le roi Bindusâra s’adressa ainsi au mendiant Pingala vatsâdjîva : Mets les enfants à l’épreuve, ô maître, afin qu’on voie quel est celui qui sera capable de régner quand je ne serai plus. Pingala vatsâdjîva se mit à regarder et à réfléchir : C’est Açôka qui sera roi ; et cependant il n’est pas agréable au roi. Si je vais dire : C’est Açôka qui sera roi, je ne suis pas sûr de conserver la vie. Il parla donc ainsi : Ô roi, je vais faire ma prédiction sans distinction de personnes. Fais-la ainsi, lui dit le roi. Le mendiant reprit alors : Celui qui a une belle monture, seigneur, sera roi. Et chacun des enfants conçut cette pensée : J’ai une belle monture, c’est moi qui serai roi. Açôka fit de son côté la réflexion suivante : Je suis venu sur le dos d’un éléphant ; j’ai une belle monture, c’est moi qui serai roi.

Bindusâra dit alors : Continue l’épreuve, ô maître. Pingala vatsâdjîva s’exprima ainsi : roi, celui qui a le meilleur siége sera roi. Et chacun des enfants conçut cette pensée : J’ai le meilleur siége. Açôka fit de son côté la réflexion suivante : La terre est mon siége, c’est moi qui serai roi. Après avoir ainsi pris pour objet de sa prédiction le vase, la nourriture et la boisson des enfants, le mendiant se retira.

La reine dit alors à son fils Açôka : Quel est celui auquel il a été prédit qu’il serait roi ? Açôka répondit : La prédiction a été faite sans distinction de personnes, de cette manière : Celui qui a la monture, le siége, le vase, la boisson, la nourriture la meilleure, celui-là sera roi. Si je ne me trompe pas, c’est moi qui serai roi. Ma monture était le dos d’un éléphant ; mon siége, la terre ; mon vase, un pot de terre ; ma nourriture, du riz cuit assaisonné avec du lait caillé ; ma boisson, de l’eau. Voilà pourquoi le mendiant Pingala vatsâdjîva a dit : C’est Açôka qui sera roi. Si je vois bien, c’est moi qui serai roi, puisque ma monture était le dos d’un éléphant, et mon siége la terre. [Le mendiant] se mit à faire la cour à la mère, de sorte qu’elle lui dit un jour : Ô maître, lequel de mes deux fils sera roi à la mort de Bindusâra ? — Ce sera Açôka. — Il se pourrait que le roi t’interrogeât avec instance ; va-t’en donc ; réfugie-toi dans le pays au delà des frontières. Quand tu entendras dire que c’est Açôka qui est roi, alors tu pourras revenir. En conséquence le mendiant se réfugia dans le pays au-delà des frontières.

Ensuite le roi Bindusâra voulut assiéger la ville nommée Takchaçilâ[1].

  1. Je n’ai pas besoin de rappeler que l’existence ancienne de cette ville est démontrée par le témoignage des historiens d’Alexandre. Ce n’est pas non plus ici le lieu de résumer les nombreuses discussions qu’a fait naître ce nom célèbre ; il me suffira d’indiquer le plus nouveau des