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DU BUDDHISME INDIEN.


été consumée sa dépouille mortelle furent enfermés, suivant la tradition, dans huit cylindres ou boîtes de métal au-dessus desquels on éleva un égal nombre de monuments nommés Tchâityas, ou édifices consacrés[1]. Les monuments qui subsistent encore aujourd’hui dans l’Inde justifient la tradition de la manière la plus satisfaisante. Je ne veux pas dire pour cela qu’on ait retrouvé les huit mausolées dans lesquels furent déposées les reliques de Çâkyamuni ; cela ne peut pas être, puisque les Buddhistes eux-mêmes nous apprennent que quelques siècles après Çâkya ces huit édifices furent ouverts, et que les reliques qu’ils renfermaient furent réunies et distribuées sur d’autres points. Je rappelle seulement qu’on a trouvé dans l’Inde et dans les provinces situées au delà de l’Indus, où le Buddhisme a été anciennement établi, un nombre très-considérable de ces mausolées nommés Stupas, dont la forme et la disposition intérieure répondent de point en point à ce que nous apprennent les légendes touchant ces monuments révérés.

Depuis Clément d’Alexandrie qui parle de ces sages respectables qui adorent une pyramide sous laquelle reposent les os de leur Dieu, jusqu’à Fa hian, le voyageur chinois, qui, au commencement du ve siècle de notre ère, reconnut un grand nombre de ces édifices, jusqu’au général Ventura, enfin, qui de nos jours ouvrit le premier un de ces Topes[2], comme les appelle le langage


    donnent le sens de reliques ; c’est comme s’ils disaient les corps, désignant ainsi le tout pour les parties. Ce mot est classique dans toutes les écoles, et sa valeur est confirmée par le témoignage des monuments eux-mêmes, c’est-à-dire des vases de pierre et des boîtes de métal qu’on a découverts dans un grand nombre de Topes du Pendjab et de l’Afghanistan. Je trouve ce terme fort distinctement écrit çarîrêhi (forme pâlie de l’instrumental pluriel) dans la courte inscription gravée sur le cylindre de cuivre trouvé à Hidda ; il s’y reproduit deux fois. (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. III, pl. xxii. Ariana antiqua, Antiquités, pl. ii.) M. Wilson a lu çatînikhi, ce qui ne fait aucun sens. (Ariana antiqua, p. 259.)

  1. Asiat. Researches, t. XVI, p. 316. Les textes qui sont à ma disposition ne me fournissent pas le moyen de marquer avec toute la netteté désirable la nuance qui distingue le mot Tchâitya du mot Stûpa. Tous deux s’appliquent à la même espèce de monuments ; mais l’un est plus général que l’autre, et c’est peut-être en ce point que gît la principale différence qui les distingue. Ainsi Stûpa désigne le Tope sous le point de vue de la construction et de la forme matérielle ; c’est une accumulation, comme le dit l’étymologie du mot, faite de pierres réunies par de la terre ou du ciment ; en un mot, c’est un tumulus. Le mot Tchâitya, au contraire, est le Tope considéré comme monument religieux, c’est-à-dire comme consacré par le dépôt qu’il renferme. Tout Stûpa, en tant qu’il contient les reliques d’un Buddha, ou quelqu’un des objets qui ont été à son usage, ou seulement même en tant qu’il a été dressé au-dessus d’un lieu que sa présence a rendu célèbre, est par cela seul un Tchâitya, c’est-à-dire un tumulus consacré. Mais la réciproque n’est pas également vraie, et l’on ne peut pas dire que tout Tchâitya soit un Stûpa ; car un édifice renfermant une statue d’un Buddha, ou même un arbre signalé par la présence de ce précieux objet, se nomme un Tchâitya. Je crois en outre pouvoir ajouter que le mot de Tchâitya est beaucoup plus fréquemment employé dans les anciens Sûtras que dans les Sûtras développés. Dans ces derniers, le mot Tchâitya ne signifie d’ordinaire que temple, et Stûpa semble réservé pour désigner un Tope. (Voy. les additions, à la fin du volume.)
  2. Le mot Tope est un exemple entre mille de ce qu’on pourrait appeler l’italianisme du