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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


Maître ; et elle ne pouvait manquer d’y réussir, quand elle était, comme le dit ici la légende, accompagnée du résumé de cet enseignement. Cette alliance de la doctrine avec le principal objet du culte s’est continuée pendant tous les âges du Buddhisme. On en trouve des traces non-seulement dans l’Inde, mais encore dans les pays où le prosélytisme a transporté cette croyance ; et parmi les statuettes de Çâkya que les recherches des voyageurs anglais ramènent chaque jour à la lumière, on en a déjà recueilli un très-grand nombre qui portent sur leur base le célèbre axiome de métaphysique plusieurs fois cité, par lequel la connaissance approfondie de l’origine et de la fin des êtres est attribuée au Buddha[1].

On comprend en même temps par là pourquoi les légendes s’occupent si souvent de la beauté physique de Çâkya. Tout le monde sait en effet que les Buddhistes attribuent au fondateur de leur doctrine la possession de trente-deux caractères de beauté, et de quatre-vingts signes secondaires qui sont connus depuis longtemps, et par un extrait du Vocabulaire pentaglotte[2], et beaucoup plus exactement par un Mémoire de M. Hodgson[3]. Il en est fréquemment question dans les livres buddhiques de toutes les écoles, et les légendaires affirment que cette beauté parfaite était un des moyens qui parlaient

  1. Je renvoie, pour les preuves de ce fait en ce qui touche l’Inde, au Journal asiatique du Bengale, publié par Prinsep. Et quant aux pays où le Buddhisme n’est pas indigène, je ne citerai qu’un exemple pris à Java, parce qu’il a le mérite de montrer de quel point le Buddhisme est parti pour arriver jusque dans cette île. Je veux parler de l’inscription en caractères dêvanâgaris, tracée sur le dos d’une statue de bronze représentant un Buddha, laquelle a été trouvée auprès de Drambanan par Crawford. Hist. of the Ind. Archipelago, t. II, p. 212, pl. xxxi.) Cette inscription n’est autre chose que la célèbre formule philosophique Yê dharmâ hêtuprabhavâḥ, etc., qui se lit sur la base et sur le dos d’un si grand nombre de statuettes buddhiques découvertes dans l’Inde. Cette formule est rédigée en sanscrit, et non en pâli, ce qui prouve que la statue, ou le modèle d’après lequel elle a été exécutée vient du continent indien, et non de Ceylan ; si elle était originaire de cette île, la formule serait indubitablement écrite en pâli. De cette inscription et de quelques autres monuments de ce genre, qu’il cite, mais qu’il ne reproduit pas, Crawford croit pouvoir conclure que les Indiens qui l’ont tracée venaient des provinces de l’Inde occidentale. La forme des lettres de son inscription ne me paraît pas favoriser cette conjecture ; c’est un dêvanâgari moderne, qui ne peut guère être antérieur au xiie ou au xiiie siècle de notre ère, et qui affecte des formes bengalies très-aisément reconnaissables. Si cette écriture n’est pas originaire du Bengale, elle vient certainement d’une province voisine, par exemple de la côte d’Orixa ; elle offre même une analogie frappante avec l’alphabet qui est actuellement en usage sur cette côte.
  2. Rémusat, Mél. Asiat., t. I, p. 104 et 108.
  3. Quotat. from orig. Sanscr. Author., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 91. À la fin du Mémoire de M. Hodgson, ces perfections physiques sont attribuées au suprême Âdibuddha ; mais cela doit être une invention moderne, comme celle de ce Buddha mythologique. Dans les Sûtras et dans les légendes, où cet Âdibuddha n’est pas nommé une seule fois, les trente-deux caractères de beauté et les quatre-vingts signes secondaires n’en existent pas moins, et ils se rapportent à la personne mortelle de Çâkyamuni. Les Buddhistes de toutes les écoles s’accordent en ce point, et nous possédons à la fois en sanscrit et en pâli les titres de ces perfections.