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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


Il y avait en ce moment [dans la ville] des négociants venus avec des marchandises qu’ils avaient apportées du Madhyadêça. Dès qu’ils virent la représentation du Buddha, ils s’écrièrent tous d’une voix unanime : Adoration au Buddha ! Le roi, entendant ce nom de Buddha, dont il n’avait pas ouï parler jusqu’alors, sentit ses poils se hérisser sur tout son corps, et dit aux marchands : Quel est donc celui que vous nommez Buddha ? Les marchands répondirent : Grand roi, c’est le prince de la race des Çâkyas, né sur le flanc de l’Himavat, au bord de la rivière Bhâgîrathî, non loin de l’ermitage du Rĭchi Kapila. À sa naissance les Brâhmanes, qui connaissent l’avenir, firent cette prédiction : S’il reste dans la maison, comme chef de famille, ce sera un roi Tchakravartin, qui sera vainqueur à la tête de quatre espèces de troupes, qui sera juste et roi de la Loi ; qui possédera les sept joyaux, les sept choses précieuses, qui sont : le joyau des chars, le joyau des éléphants, le joyau des chevaux, le joyau des femmes, le joyau des chefs de maison, le joyau des généraux, lequel forme la septième des choses précieuses. Il aura cent fils, braves, pleins de beauté, destructeurs des armées de leurs ennemis. Ayant conquis la totalité de la grande terre jusqu’aux limites de l’Océan, il en fera disparaître toutes les causes de tyrannie et de misère ; il y régnera sans punir, sans user du glaive, d’une manière juste et paisible. Si au contraire, rasant sa chevelure et sa barbe, et se couvrant de vêtements de couleur jaune, il sort de la maison pour entrer avec une foi parfaite dans la vie religieuse, ce sera un Tathâgata vénérable, parfaitement et complètement Buddha. C’est là celui qu’on appelle le Buddha, et dont le nom retentit dans le monde ; et ce tableau représente son image. — Et qu’est-ce que ceci ? — C’est l’introduction. — Et ceci ? — Les préceptes de l’enseignement. — Et ceci ? — La révolution du monde. — Et ceci ? — L’effort. Le roi comprit bien la production des causes [successives de l’existence], qui était exposée tant dans l’ordre direct que dans l’ordre inverse[1].

Ensuite Rudrâyaṇa entouré de ses ministres, repoussant toutes les affaires et tout autre objet, s’assit le matin les jambes croisées, le corps droit ; et replaçant sa mémoire devant son esprit, il se mit à réfléchir sur la produc-

  1. Cette énumération des causes successives de l’existence rappelle le cercle qui entoure ce tableau du Ciel, de la Terre et des Enfers, qu’a reproduit Georgi d’après un dessin tibétain. (Alphab. tibet., p. 485.) Cet auteur, dont la compilation renferme de curieux, renseignements qui mériteraient d’être vérifiés et extraits du fatras au milieu duquel il les a noyés, donne les noms tibétains correspondants aux douze scènes qui composent ce cercle. (Ibid., p. 499.) Ces noms ne sont autre chose que la traduction tibétaine des termes sanscrits par lesquels les Buddhistes désignent les Nidânas ou causes successives de l’existence, sur lesquels je reviendrai plus bas, dans la section de la Métaphysique.