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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


ment où vint le soir. Ensuite le Vihâra reparut de nouveau, et avec lui les Religieux calmes et dans des postures décentes. Le respectable Sam̃gha rakchita se présenta devant eux et leur dit : Qui êtes-vous donc, respectables Religieux, et par suite de quelle action êtes-vous nés ici ? Respectable Sam̃gha rakchita, répondirent-ils, les hommes du Djambudvîpa sont difficiles à persuader ; tu ne vas pas nous croire. Je suis témoin oculaire, répondit-il, pourquoi ne vous croirais-je pas ? — Nous étions, ô respectable Sam̃gha rakchita, des Auditeurs de Kâçyapa, le Buddha parfaitement accompli. Un combat s’éleva un jour entre nous au moment où nous nous réunissions pour le repas. Parce que nous nous sommes livré alors un combat, nous sommes nés ici, dans des Enfers qui se renouvellent chaque jour[1]. Il est établi que quand la mort nous aura fait sortir de ce monde, il nous faudra renaître dans les régions infernales. C’est pourquoi, ô Sam̃gha rakchita, il est bon que lorsque tu seras retourné dans le Djambudvîpa, tu annonces à ceux qui remplissent avec toi les devoirs de la vie religieuse : Ne vous livrez pas de combats au milieu de l’Assemblée, de peur que vous n’éprouviez des douleurs et un désespoir semblable à celui auquel sont condamnés les Auditeurs de Kâçyapa.

Sam̃gha rakchita quitta Ces Religieux et parvint à un second Vihâra qui était muni de plates-formes et de siéges élevés, de balustrades, de fenêtres faites de treillage, d’œils-de-bœufs, et il y aperçut des Religieux convenablement vêtus, disciplinés, paisibles, et dans des postures calmes et décentes. L’Ârya se dirigea vers eux, et aussitôt ils lui dirent : Sois le bienvenu, respectable Sam̃gha rakchita. Ils lui fournirent ensuite les moyens de se délasser, et quand il fut reposé, ils le firent entrer dans le Vihâra. Là il vit un beau siége et un beau lit qui lui étaient destinés, et des aliments purement préparés qui étaient servis ; et ils lui dirent : Mange, respectable Sam̃gha rakchita. L’Ârya ayant réfléchi prit son repas pour ne pas encourir de châtiment ; et quand il eut mangé, il se retira à l’écart et s’assit. Au bout de quelque temps le son de la plaque de métal qu’on frappe pour [appeler] les Religieux s’étant fait entendre, chacun d’eux tenant son vase à la main vint s’asseoir à son rang. Et aussitôt le Vihâra s’évanouit, et à la place du riz et de la boisson des Religieux apparut du fer liquide, et avec ce fer les Religieux s’aspergèrent les uns les autres en poussant des cris de douleur. Cela dura jusqu’au moment où vint le soir ; ensuite le

  1. L’Enfer où souffrent ces Religieux est vraisemblablement de l’espèce de ceux dont parle Des Hautesrayes, et qu’il définit comme des Enfers dispersés sur la surface de la terre, sur les rivages et dans les lieux isolés. Ils sont naturellement distincts des lieux de souffrance qui font partie de chaque système de création, et qui y paraissent en même temps que les pécheurs. (Rech. sur la Rel. de Fo, dans Journ. Asiat., t. VIII, p. 82.)