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DU BOUDDHISME INDIEN.


pense entièrement noire aussi ; aux actions entièrement blanches est réservée une récompense entièrement blanche aussi ; aux actions mélangées est réservé un résultat mélangé comme elles. C’est pourquoi, ô Religieux, il faut en ce monde éviter les actions entièrement noires, ainsi que les actions mélangées, et n’avoir en vue que des actions entièrement blanches. Voilà, ô Religieux, ce que vous devez apprendre.

« C’est ainsi que parla Bhagavat, et les Religieux transportés de joie louèrent ce que Bhagavat avait dit. »

On a pu voir, par la légende qui précède, que l’investiture assez expéditive par laquelle Çâkyamuni se créait des disciples donnait à ceux qui la recevaient le caractère de Religieux mendiants ; car tel est le sens du mot Bhikchu, lequel signifie exactement « celui qui vit d’aumônes[1]. » Après l’obligation d’observer les règles de la chasteté (Brahma tcharya), il n’y en avait pas, pour le Religieux, de plus impérieuse que celle de vivre des seuls secours qu’il recevait de la charité publique. Comme il cessait de faire partie du monde, les ressources que la société offre au travail lui étaient interdites, et il ne lui restait d’autre moyen d’existence que la mendicité.

La vie de privation à laquelle se condamnaient les Religieux leur faisait donner encore le nom de Çramaṇas, « ascètes qui domptent leurs sens[2]. » Ils avaient pris ce titre à l’imitation de Çâkyamuni leur maître, qui se faisait appeler Çramaṇa Gâutama, l’ascète Gâutamide. Mais ce titre, en ce qui regarde les Religieux, est bien moins fréquent dans les légendes que celui de Bhikchu, de même que ce dernier ne s’applique jamais, que je sache, à Çâkyamuni, sans

  1. J’ai cru pouvoir traduire ce titre par le terme un peu plus général de Religieux, afin d’éviter la confusion qu’aurait entraînée l’emploi du mot mendiant, qu’il faut nécessairement conserver pour parivrâdjaka et pour quelques autres termes semblables.
  2. J’ai conservé ce nom sans le traduire, de même que l’on conserve celui de Brâhmane, parce que c’est le titre qu’a porté Çâkyamuni lui-même depuis le moment qu’il se fut retiré du monde. Les Chinois n’ont pas ignoré le sens véritable de ce terme, ainsi qu’on le peut voir par une note de M. Rémusat. (Foe koue ki, p. 13.) Je rappelle dans mon texte que ce titre appartient autant au Brâhmanisme qu’au Buddhisme ; mais comme, dans tous les livres que j’ai eu occasion de lire ou de traduire, le titre de Çramaṇa est constamment distingué de celui de Brâhmane, qu’il précède régulièrement, « les Çramaṇas et les Brâhmanes, » il désigne certainement non un ascète indien en général, mais un Buddhiste en particulier, et il y est pris dans l’acception spéciale que Clough lui donne, « un ascète buddhiste, un mendiant, le mendiant religieux, un prêtre buddhiste. (Singh. Dict., t. II, p. 778.) Colebrooke (Miscell. Ess., t. II, p. 203) et Rémusat (Foe koue ki, p. 13) ont déjà remarqué que le nom de Çramaṇa avait été anciennement connu des Grecs ; mais c’est encore une question de savoir si, pour les anciens, ce nom désignait des ascètes indiens en général ou des Buddhistes en particulier. Il faut descendre jusqu’à Porphyre pour trouver le nom de Samanéen appliqué à une secte que l’on peut conjecturer être celle des Buddhistes.