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DU BUDDHISME INDIEN.

de respect]. — Où est le Bienheureux, ô Ârya ? — À Çrâvastî. — À quelle distance Çrâvastî est-il d’ici ? — À un peu plus de cent Yôdjanas. — En ce cas allons inviter le roi. — Oui, faites ainsi. Les frères se rendirent donc en présence du roi ; et après avoir incliné la tête devant lui, ils lui parlèrent en ces termes : Seigneur, nous désirons prendre notre repas, après y avoir invité le Buddha, l’Assemblée des Religieux et les autres personnages [dignes de respect]. Que le roi daigne nous honorer de sa présence. C’est bien, dit le roi ; qu’il soit ainsi, je serai avec vous.

Ensuite le respectable Pûrṇa étant monté sur le sommet de l’édifice, la face tournée du côté de Djêtavana, posa à terre les deux genoux ; et après avoir jeté des fleurs, brûlé de l’encens, il fit tenir par un serviteur le vase d’or qui se termine en bec d’oiseau, et il se mit à prononcer la prière suivante :

Ô toi, dont la conduite est parfaitement pure, dont l’intelligence est parfaitement pure aussi ; toi qui, au moment de prendre ton repas, n’as jamais en vue que le besoin, jetant un regard sur ces êtres privés de protecteur, témoigne leur ta compassion, ô être excellent, et viens ici.

Aussitôt, grâce à la puissance propre du Buddha et à celle des Divinités, ces fleurs se transformant en un dais, furent portées à Djêtavana et allèrent s’y placer à leur rang ; l’encens offert y parut sous la forme d’un gros nuage, et l’eau qui s’échappait de la nue forma des aiguilles de lapis-lazuli. Le respectable Ânanda, qui était habile à reconnaître les prodiges, joignant les mains en signe de respect, adressa cette question à Bhagavat : De quel endroit, ô Bhagavat, vient cette invitation ? — De la ville de Sûrpâraka, ô Ânanda. — À quelle distance d’ici, seigneur, est la ville de Sûrpâraka ? — À un peu plus de cent Yôdjanas, ô Ânanda. Allons-y, reprit ce dernier. — Annonce donc aux Religieux ce qui suit : Que celui d’entre vous qui désire se rendre demain à la ville de Sûrpâraka pour y faire son repas prenne sa baguette[1]. Oui,

  1. Le texte se sert du mot çalâkâ, « éclat de bois mince. » La version tibétaine traduit ce mot par tshul-tching, que je ne trouve pas dans nos lexiques, mais qui, en substituant ching à tching, signifierait « l’arbre de la règle. » Rien n’indique ce qu’il faut entendre par la baguette qu’on distribue ici aux Religieux : seulement un passage que la légende met plus bas dans la bouche de Çâkya nous montre qu’on la nomme aussi la baguette du Tchâitya ; mais dans ce passage, l’expression tchâitya çalâkâ (baguette du monument) doit peut-être se traduire « baguette prise » à un arbre consacré, » ou plus généralement encore, « baguette religieuse. » Les Buddhistes du Sud viennent heureusement ici à notre secours, et MM. Turnour et Clough nous apprennent qu’on nommait çalâkâ de petits éclats de bambou servant de billets pour ceux auxquels devaient être distribuées des aumônes. Le nom des Religieux était inscrit sur ces petites baguettes, qui étaient ensuite jetées dans un vase et tirées au sort : celui dont la baguette sortait la première recevait la première aumône. (Turnour, Mahâvanso, Index, page 22. Clough, Singhal. Dict., t. II, p. 719.)