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DU BUDDHISME INDIEN.

double de ce qu’il l’avait achetée. Puis portant aux étrangers quinze Laks, il serra le reste dans sa maison. Il fit ensuite cette réflexion : Est-il possible de remplir un vase avec une goutte de rosée ? Il faut que je m’embarque sur le grand Océan. Il fit donc proclamer à son de cloche dans la ville de Sûrpâraka ce qui suit : Écoutez, marchands de Sûrpâraka : Pûrṇa le chef des marchands va s’embarquer sur le grand Océan. Que celui d’entre vous qui veut s’embarquer avec Pûrṇa, sous la garantie d’une exemption complète de taxe, d’impôt d’entrée et de prix de passage pour sa marchandise, prépare ce qu’il destine à ce voyage sur le grand Océan. À cette nouvelle cinq cents négociants rassemblèrent les marchandises qu’ils destinaient à ce voyage. Alors Pûrṇa le chef des marchands, après avoir appelé sur son entreprise les bénédictions et la faveur du ciel, s’embarqua sur le grand Océan, avec cette suite de cinq cents négociants. Il revint ensuite, ramenant son vaisseau sain et sauf, et recommença ses voyages jusqu’à six fois. Aussi ce bruit se répandit-il de tous côtés : Voilà Pûrṇa qui s’est embarqué six fois sur le grand Océan, et qui a ramené chaque fois son vaisseau sain et sauf.

Des marchands de Çravastî ayant rassemblé une cargaison, vinrent un jour à Sûrpâraka. Quand ils se furent délassés des fatigues du voyage, ils se rendirent au lieu où se trouvait Pûrṇa le chef des marchands, et y étant arrivés, ils lui dirent : Chef des marchands, embarquons-nous sur le grand Océan. Pûrṇa leur dit : Avez-vous jamais vu, [seigneurs, ou avez-vous entendu citer un homme qui, après être revenu six fois du grand Océan, en ramenant son vaisseau sain et sauf, se soit embarqué une septième fois ? C’est pour toi, Pûrṇa, reprirent-ils, que nous sommes venus d’un pays éloigné. Si tu ne t’embarques pas, toi seul en es responsable.

Pûrṇa fit alors cette réflexion : Je n’ai aucun besoin de richesses pour moi ; cependant je m’embarquerai dans l’intérêt de ces gens-là. Il partit donc avec eux sur le grand Océan. Ces marchands, la nuit et à l’aurore, lisaient à haute voix les hymnes, les prières qui conduisent à l’autre rive, les textes qui découvrent la vérité, les stances des Sthaviras, celles qui sont relatives aux diverses sciences, celles des solitaires, ainsi que les Sûtras renfermant des sections relatives aux intérêts temporels. Pûrṇa, qui les entendait, leur dit : Seigneurs, quelles sont ces belles poésies que vous chantez ? — Ce ne sont pas des poésies, chef des marchands ; ce sont les propres paroles du Buddha. Pûrṇa, qui n’avait jamais entendu prononcer jusqu’alors ce nom de Buddha, sentit ses poils se hérisser sur tout son corps, et il demanda plein de respect : Seigneurs, quel est celui que vous nommez Buddha ? Les marchands répondirent : Le Çramana Gâutama, issu de la famille des Çâkyas, qui après avoir rasé ses cheveux et sa barbe, après avoir revêtu des