Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Quand je serai mort, ô mes enfants, il ne faudra pas écouter vos femmes ; en effet, la famille se divise par les femmes ; les choses confuses se divisent (se distinguent) par les paroles ; un charme lancé à tort est détruit ; le plaisir est détruit par la cupidité.

Les fils se retirèrent ; Bhavila resta seul auprès de Bhava qui lui dit : Ô mon fils, n’abandonne jamais Pûrṇa, car c’est un homme qui se fait connaître comme vertueux et comme possédant la grandeur.

Tout ce qui est amassé finit par se détruire ; ce qui est élevé finit par tomber ; ce qui est uni finit par se dissoudre ; ce qui vit finit par mourir.

Après avoir ainsi parlé, Bhava subit la loi du temps. Ses fils parant une litière d’étoffes bleues, jaunes, rouges et blanches, le portèrent au cimetière en grande pompe, et y consumèrent son corps sur le bûcher. Quand ensuite leur chagrin commença à se dissiper, ils se dirent : Du temps que notre père vivait, nous étions soumis à son autorité ; mais si maintenant nous renonçons aux affaires, la maison tombera en décadence ; elle ne sera plus florissante. Pourquoi ne prendrions-nous pas des marchandises, et n’irions-nous pas en pays étranger ? Pûrṇa leur dit alors : S’il est ainsi, je pars aussi avec vous. Ses frères lui répondirent : Reste plutôt ici pour les affaires de la boutique ; nous partirons seuls. Ils rassemblèrent donc des marchandises et partirent pour un autre pays. Pûrṇa, auquel avaient été confiées toutes les affaires, garda la maison. C’est une règle que, dans les maisons des personnes riches, ce qui est nécessaire pour la dépense de la journée se distribue [chaque matin]. Les femmes des frères [qui étaient partis] envoyèrent leurs servantes chercher l’argent de la dépense. Mais Pûrṇa était entouré de personnes riches, de chefs de métiers, de chefs de marchands, et d’autres gens qui vivaient de leur commerce ; aussi les servantes ne purent trouver le moment [de l’aborder]. Quand ceux qui l’entouraient se furent levés et qu’ils furent partis, Pûrṇa donna aux servantes l’argent nécessaire pour la journée. Celles-ci ne revinrent que très-tard auprès de leurs maîtresses, qui leur adressèrent des reproches. Mais les filles leur racontèrent en détail[1] ce qui s’était passé, et ajoutèrent : C’est ainsi qu’il en arrive à ceux dans la famille desquels le fils d’une esclave exerce à son gré le commandement. La femme de Bhavila dit à sa servante : Il faut que tu épies

  1. Le mot que je traduis par en détail est dans le texte vistarêṇa. Ce terme est employé, dans le sanscrit buddhique, chaque fois qu’on abrége un discours ou une énumération dont les termes sont connus par ce qui précède. Pour en faire comprendre l’emploi, il faudrait donc, au lieu de la traduction littérale avec étendue, employer une forme comme celle-ci, pour le dire en un mot. C’est qu’au fond cette locution signifie : « on répète ici ce qui est dit ailleurs en détail. » La version tibétaine remplit l’ellipse et reprend le récit, en y ajoutant quelques expressions qui manquent dans mes deux manuscrits. « Purṇa, entouré de personnes riches, de chefs de métiers,