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DU BUDDHISME INDIEN.

néophyte, qui prenait pour vêtement une sorte de tunique et un manteau formé de lambeaux rapiécetés et teints en jaune, et qui était mis d’ordinaire sous la direction d’un Religieux plus âgé qui se chargeait de son instruction. Mais dans le commencement de la prédication de Çâkya, et quand le nombre de ses disciples était peu considérable, c’est lui qui instruisait directement le néophyte ; et les légendes sont pleines de récits où figurent des Brâhmanes et des marchands, qui se présentent eux-mêmes au Buddha, lui font leur déclaration religieuse, et en reçoivent la connaissance des vérités morales et métaphysiques, très-peu nombreuses, qui formaient la partie essentielle de la doctrine. Cet enseignement fructifiait d’ordinaire assez vite pour que ceux auxquels il s’adressait franchissent immédiatement les degrés qui séparent l’homme ordinaire du Religieux le plus accompli. Dans les sectes qu’anime l’esprit de prosélytisme, il faut aller vite ; aussi les légendes nous offrent-elles à chaque page la preuve que la foi agissait sur les premiers disciples de Çâkyamuni plus fortement encore que son enseignement.

À côté de ces conversions opérées directement par Çâkyamuni, on en voit d’autres qui ne s’accomplissent qu’à l’aide d’un intermédiaire, lequel est un Religieux, ou seulement un homme connu par ses dispositions favorables à l’égard du Buddha. Ces diverses méthodes se trouvent exposées dans la légende de Pûrṇa ; et j’aime mieux les représenter ici sous leur forme véritable que de faire une sèche analyse de cette légende. Je vais donc traduire ce récit auquel j’ai déjà fait plus d’une allusion, et qui me paraît offrir un bon spécimen d’un Avadâna.

LÉGENDE DE PÛRṆA[1].

« Bhagavat se trouvait à Çravastî, à Djêtavana, dans le jardin d’Anâtha piṇḍika. Or en ce temps-là résidait dans la ville de Sûrpâraka[2] un maître de

  1. Man. Soc. Asiat., f. 12 a ; de mon manuscrit f. 14 a. Bkah-hgyur, sect. Hdul-va, t. kha ou II, p. 37-69. Asiat. Res., t. XX, p. 61.
  2. La légende ne détermine pas d’une manière précise la situation de cette ville ; elle nous apprend seulement que c’était un port de mer, puisqu’on s’y embarquait pour faire des expéditions lointaines, vraisemblablement jusqu’aux îles de l’Archipel indien. Elle le place à une distance de plus de cent Yôdjanas de Çrâvastî, que nous cherchons avec Wilson non loin de Fyzabad. Cette indication ne nous apprend rien de bien positif ; on sait qu’il existe plusieurs évaluations du Yôdjana, dont les deux premières donneraient, l’une neuf cents milles, et l’autre cinq cents milles anglais pour cent Yôdjanas indiens. Les livres buddhiques des Singhalais connaissent également cette ville ; le Mahâvam̃sa la nomme Suppâraka paṭana, et l’indique comme un point où Vidjaya, le fondateur de la civilisation singhalaise, débarqua pendant son voyage