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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


de la société indienne au milieu de laquelle ils ont été rédigés. Dans l’ignorance où nous sommes encore sur la date des diverses parties de la collection népâlaise, cette méthode est la seule qui puisse nous donner quelques notions approximatives touchant l’âge relatif de ces nombreux ouvrages. Il s’agit maintenant d’en faire l’application à la classe particulière des Sûtras simples, qui est, selon moi, antérieure aux Sûtras développés, et de rechercher si les traités renfermés dans cette classe appartiennent tous à la même époque.

J’ai dit, dans la première section de ce Mémoire, que tous les Sûtras passaient pour émaner directement de la prédication de Çâkyamuni : d’où il résulte qu’à s’en tenir au témoignage de la tradition et à la forme même de ces traités, qui est celle d’une conversation entre le Buddha et ses disciples, il faudrait les regarder tous comme également anciens. L’examen des Sûtras et des légendes des deux grandes collections du Divya avadâna et de l’Avadâna çataka, qui comprennent plus de cent cinquante traités différents, ne justifie pas cette supposition. On a vu plus haut que Çâkyamuni se vantait de connaître le passé et l’avenir aussi bien que le présent, et qu’il profitait de cette science surnaturelle pour instruire ses Auditeurs de ce qu’ils avaient fait dans leurs existences antérieures et du sort qui les attendait dans les existences auxquelles l’avenir les condamnait encore. Tant qu’il se contente de leur prédire qu’ils deviendront des Religieux éminents par leur sainteté, ou même des Buddhas aussi parfaits que lui, ses prédictions sont peu instructives pour nous, et elles ne nous fournissent aucun secours pour la critique et l’examen de la tradition qui attribue tous les Sûtras indistinctement au fondateur du Buddhisme. Mais quand il parle de personnages qui sont réellement historiques, quand il fixe la date de leur apparition future, ses prédictions acquièrent une valeur nouvelle, et elles nous prouvent que les Sûtras où on les rencontre sont postérieurs, pour le fonds comme pour la forme, aux événements qui y sont annoncés d’avance par une divination dont la critique ne reconnaît pas l’autorité. Cette remarque s’applique à plusieurs traités de la collection du Népâl, notamment à un Sûtra dont il va être question tout à l’heure, et où figure le nom d’un roi célèbre dans l’histoire du Buddhisme. Ce roi est Açôka, dont Çâkyamuni, en plus d’un endroit et notamment dans quelques Avadânas, parle comme s’il devait naître longtemps après lui. Je le répète, de pareilles prédictions nous apprennent au moins deux faits incontestables : c’est que le livre où on les rencontre est postérieur non-seulement à Çâkyamuni, mais encore aux événements et aux personnages dont Çâkya prédit l’existence future. Ainsi, sans rien préjuger sur l’époque à laquelle ont été rédigés les Sûtras, et en nous en tenant à une description générale de cette classe de livres, il est évident qu’il faut la diviser en Sûtras où il