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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


et de foi qu’éveille chez ceux qui viennent à écouter, ou seulement à voir le Buddha, l’influence des actions vertueuses qu’ils ont accomplies dans des existences antérieures. C’est là un des thèmes favoris des légendaires ; il n’y a pas, à vrai dire, une seule conversion qui ne soit préparée par la bienveillance que l’auditeur du Buddha se sent pour lui et pour sa doctrine ; et Çâkya se plaît à raconter longuement devant ses disciples les actions qu’ils ont faites jadis pour avoir mérité de renaître de son temps, d’assister à sa prédication et de se sentir touchés de bienveillance en sa faveur. Cette bienveillance, ou pour le dire plus clairement, cette espèce de grâce, est le grand mobile des conversions les plus inexplicables d’ailleurs ; c’est le lien par lequel Çâkya rattache le présent nouveau qu’introduit sa doctrine à un passé inconnu qu’il explique dans l’intérêt de sa prédication. On comprend sans peine l’action que devait exercer un semblable moyen sur l’esprit d’un peuple chez lequel la croyance à la loi de la transmigration était aussi généralement admise. En partant de cette croyance, sur laquelle il s’appuyait pour autoriser sa mission, Çâkya paraissait plutôt exposer le passé que changer le présent ; et l’on ne peut douter qu’il ne s’en soit servi pour justifier des conversions que condamnaient les préjugés des hautes castes auxquelles il appartenait par la naissance. Mais ce mobile de la grâce est essentiellement religieux, et il est de ceux dont les légendaires ont pu et sans doute ont dû exagérer l’emploi après coup et quand le Buddhisme eut acquis une importance qu’il n’avait certainement pas encore au temps de Çâkya. Des motifs plus humains ont dû vraisemblablement agir sur les esprits, et favoriser la propagation d’une croyance dont les débuts annoncent seulement une de ces sectes qui ont de tout temps été si nombreuses dans l’Inde et dont le Brâhmanisme tolère l’existence en les méprisant. Ces motifs sont individuels ou généraux ; j’en vais rapporter quelques-uns qui sont empruntés aux Sûtras et aux légendes du recueil souvent cité dans ces recherches.

J’ai parlé plus haut du fils d’un Brâhmane auquel son père avait voulu, mais en vain, donner une éducation conforme à sa naissance, et qui n’avait pu même apprendre à lire, ni à écrire. Ce jeune Brâhmane, chose remarquable, se trouve excellent pour faire un Buddhiste, et il apprend bien vite d’un Religieux sectateur de Çâkya ce que sont les voies des actions vertueuses, ainsi que la théorie de l’origine et de l’anéantissement des causes successives de l’existence. Cet enseignement suffit pour lui inspirer le désir d’embrasser la vie religieuse, désir qu’il exprime par la formule rapportée plus haut. La seule précaution que prenne le jeune homme, c’est de ne pas revêtir le costume des Buddhistes dans la ville même où il est connu comme Brâhmane ; mais il demande à son maître de se retirer dans la campagne, et c’est là qu’il se livre