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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Bhadram̃kara ; la ville fut abandonnée ; la charrue fut traînée sur les pâturages, les bornes des champs renversées, les arbres à fleurs et à fruits coupés, et les eaux empoisonnées.

« En ce moment Çakra, l’Indra des Dêvas, fit cette réflexion : Il ne serait pas convenable à moi de souffrir que l’on ne rendît pas les devoirs de l’hospitalité à Bhagavat, à celui qui pendant trois Asam̃khyêyas de kalpas a su, au moyen de cent mille œuvres difficiles, remplir les devoirs des six perfections, et qui est parvenu à la science suprême. Bhagavat, qui est supérieur à tous les mondes, qui est universellement vainqueur, va donc ainsi parcourir une contrée déserte ! Pourquoi ne déploierais-je pas mon zèle, afin que Bhagavat, accompagné de l’Assemblée de ses disciples, éprouve le contact du bonheur ? Aussitôt il donne aux fils des Dêvas, maîtres des vents, l’ordre qui suit : Allez dans le pays où se trouve la ville de Bhadram̃kara et desséchez-y les eaux empoisonnées. Il donne ensuite aux fils des Dêvas, maîtres de la pluie, l’ordre suivant : Remplissez les sources d’une eau vivifiante. Il dit aux Dêvas qui forment la suite des quatre grands rois [du ciel] : Allez vous établir dans les campagnes de Bhadram̃kara. Et aussitôt les fils des Dêvas, maîtres des vents, desséchèrent les eaux empoisonnées ; les fils des Dêvas, maîtres de la pluie, remplirent d’une eau vivifiante les creux, les fontaines, les puits, les étangs et les lacs. Les Dêvas qui forment la suite des quatre grands rois [du ciel] s’établirent dans tout le pays où est située la ville de Bhadram̃kara et les campagnes devinrent riches et florissantes. Cependant les Tîrthyas, réunis aux habitants de la ville, envoyèrent des espions dans le pays : Allez, leur dirent-ils, et voyez quel est l’état des campagnes. Arrivés près de Bhadram̃kara, les espions virent les campagnes extraordinairement florissantes ; et à leur retour ils dirent aux Tîrthyas : Seigneurs, nous n’avons jamais vu les campagnes aussi riches, ni aussi florissantes. Les Tîrthyas dirent alors au peuple : Seigneurs, celui qui change ainsi pour vous les objets matériels changera bien aussi vos dispositions. — Pourquoi cela ? — Soyez-nous entièrement dévoués, ou bien vous nous voyez pour la dernière fois, nous partons. Le peuple leur répondit : Restez, seigneurs ; que vous fait donc le Çramaṇa Gâutama ? C’est un Religieux mendiant, et vous êtes aussi des Religieux qui vivez d’aumônes. Est-ce qu’il vous enlèvera les aumônes qui vous sont destinées ? Les Tîrthyas répondirent : Nous resterons à condition qu’il sera convenu que personne n’ira voir le Çramaṇa Gâutama, et que celui qui se rendra auprès du Çramaṇa sera condamné à une amende de soixante Kârchâpaṇas[1]. Le peuple y consentit et accepta la convention.

  1. On peut, d’après les observations faites dans la note rejetée à l’Appendice no III, évaluer