Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

« Qui sont la douleur, la production de la douleur, l’anéantissement de la douleur et la marche qui y conduit, et la voie formée de huit parties, voie sublime, salutaire, qui mène au Nirvâṇa,

« Celui-là connaît le meilleur des asiles, le meilleur refuge ; dès qu’il y est parvenu, il est délivré de toutes les douleurs.

« Alors Pûraṇa fit la réflexion suivante : Le Çramaṇa Gâutama va m’enlever mes Auditeurs. Plein de cette idée, il s’enfuit en disant : Je vais vous exposer le fond de la loi, et il se mit à répéter ces propositions hétérodoxes : Le monde est périssable ; il est éternel ; il est périssable à la fois et éternel ; il n’est ni périssable ni éternel ; l’âme, c’est le corps ; autre chose est l’âme, autre chose est le corps. Telles étaient, pour le dire en un mot, les propositions hétérodoxes qu’il communiquait [à ses disciples]. Aussi l’un se mit à dire : Le monde est périssable. Un second reprit : Il est éternel et périssable ; l’âme, c’est le corps ; autre chose est l’âme, autre chose est le corps. C’est ainsi que livrés aux discussions, aux querelles, divisés d’opinions, ils se mirent à disputer entre eux. Pûraṇa lui-même eut peur, et il prit la fuite. Au moment où il s’en allait, il fut rencontré par un eunuque, qui en le voyant récita cette stance :

« D’où viens-tu donc, les mains ainsi pendantes, semblable à un bélier noir dont on aurait brisé la corne ? Ignorant la loi promulguée par le Djina, tu brais comme l’âne du Kôla (Kalinga ?). Pûraṇa lui répondit : Le moment du départ est venu pour moi ; mon corps n’a plus ni force ni vigueur. J’ai connu les êtres ; ils ont en partage le plaisir et la peine. La science des Arhats est [seule] en ce monde, sans voiles ; j’en suis bien éloigné. L’obscurité est profonde ; celui qui la dissipe tombe dans le désir[1]. Dis-moi donc, être vil, où se trouve l’étang aux eaux froides ? L’eunuque reprit à son tour : Voici, ô le dernier des Çramaṇas, l’étang froid, qui est rempli d’eau et couvert de lotus ; est-ce que tu ne le vois pas, méchant homme ? Toi, tu n’es ni un homme, ni une femme, reprit Pûraṇa ; tu n’as ni barbe, ni mamelles ; ta voix est saccadée comme celle d’un jeune Tchakravâka ; aussi te nomme-t-on Vâtahata (battu par le vent)[2].

« Ensuite le mendiant Pûraṇa, s’étant attaché au cou une jarre pleine de

  1. Cette dernière phrase est certainement altérée ; je me suis attaché à la traduire tout à fait littéralement. Cela n’affecte heureusement pas le sens général des paroles que prononce Pûraṇa au moment où il se décide à quitter la vie. Je pense que l’étang aux eaux froides est une expression analogue à celle de la froide forêt, que l’on voit toujours citée dans les légendes, quand on parle de porter un mort au cimetière. Cet étang est celui dans lequel Pûraṇa veut se noyer, projet qu’il exécute en effet.
  2. J’avoue que je ne saisis pas cette allusion ; le mot Vâtahata est-il une épithète du Tchakravâka, nom de l’Anas casarca ?