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DU BUDDHISME INDIEN.


nadjit : Sache, ô roi, que Kâla vient de séduire une femme des appartements intérieurs. Le roi du Kôçala était violent, emporté, cruel : sans plus ample recherche, il donna aussitôt à ses gardes l’ordre suivant : Allez vite, coupez à Kâla les pieds et les mains. Le roi sera obéi, répondirent les gardes ; et bientôt après ils coupèrent les pieds et les mains du prince, au milieu même de la rue. Kâla poussa des cris violents, et il éprouva une douleur cruelle, cuisante, déchirante et terrible. En voyant Kâla, le frère du roi, ainsi maltraité, la foule du peuple se mit à pleurer. Pûraṇa et les autres ascètes vinrent aussi en cet endroit, et les amis du jeune homme leur dirent : Voici le temps d’agir, seigneurs ; faites appel à la vérité de votre croyance, pour rétablir Kâla, le frère du roi, dans son premier état. Mais Pûraṇa répondit : Celui-là est un Auditeur du Çramaṇa Gâutama ; c’est à Gâutama de le rétablir comme il était auparavant, en vertu de la loi des Çramaṇas. Alors Kâla, le frère du roi, fit cette réflexion : Dans le malheur et dans la cruelle détresse où je suis tombé, Bhagavat doit me secourir ; puis il prononça la stance suivante :

Pourquoi le maître des mondes ne connaît-il pas l’état misérable dans lequel je suis tombé ? Adoration à cet être exempt de passion, qui est plein de miséricorde pour toutes les créatures !

Rien n’échappe à la connaissance des Buddhas bienheureux[1] ; c’est pourquoi Bhagavat s’adressa ainsi au respectable Ânanda : Va, ô Ânanda, prends ton vêtement, et te faisant accompagner d’un Religieux en qualité de serviteur, rends-toi au lieu où se trouve Kâla, le frère du roi ; puis remettant à leur place les pieds et les mains du jeune homme, prononce ces paroles : Entre tous les êtres, tant ceux qui n’ont pas de pieds que ceux qui en ont deux ou plusieurs, tant ceux qui ont une forme que ceux qui n’en ont pas, tant ceux qui ont une conscience que ceux qui n’en ont pas, ou qui n’ont ni conscience, ni absence de conscience, le Tathâgata vénérable, parfaitement et complètement Buddha, est appelé le premier être. Entre toutes les lois, tant celles qui sont accomplies que celles qui ne le sont pas, le détachement est appelé la première loi. Entre toutes les assemblées, les troupes, les foules, les réunions, l’Assemblée des Auditeurs du Tathâgata est appelée la première assemblée. Maintenant, que ton corps, par l’effet de cette vérité, de cette déclaration de la vérité, redevienne tel qu’il était auparavant. Le respectable Ânanda ayant répondu : Seigneur, il sera fait ainsi, prit son vêtement, et se faisant accompagner par un Religieux, en qualité de serviteur, il se rendit au lieu où se

  1. Le texte se sert ici d’une expression spéciale au sanscrit buddhique : Asam̃môchadharmâṇo Buddhâḥ. C’est uniquement par conjecture que j’en donne cette traduction.