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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Buddha qui ne se confondent pas[1], se dirigea, suivi d’une grande assemblée de Religieux, vers la ville de Çrâvastî. Accompagné de plusieurs centaines de mille de Divinités, il parvint au terme de son voyage à Çrâvastî, où il se fixa, s’établissant à Djêtavana, dans le jardin d’Anâtha piṇḍika.

Les Tîrthyas apprirent que le Çramaṇa Gâutama s’était rendu à Çrâvasti ; et à cette nouvelle ils se rendirent également dans cette ville. Quand ils y furent arrivés, ils parlèrent ainsi à Prasênadjit, roi du Kôçala : Sache, ô roi, que nous possédons une puissance surnaturelle, que nous savons discuter sur la science. Le Çramaṇa Gâutama aussi se prétend doué d’une puissance sur-

    wandering about, en parlant d’un Religieux mendiant ; mais ce terme a certainement, dans le sanscrit buddhique, une signification plus étendue, par exemple celle de « manière d’être, posture. » Nous verrons en effet plus bas que l’on compte quatre îryâ patha ou manières d’être, et que ces manières sont la marche, l’action de se tenir debout, d’être assis et d’être couché. On en fait dans les légendes un mérite particulier à Çâkyamuni, et le mot îriâ forme l’élément principal de deux épithètes qui figurent dans la série des titres du Tathâgata : Praçântêryâpatha, « qui a la voie d’une démarche calme, » et Sarvâiryâpata tcharyâviçêcha samanvâgata, « doué de la pratique des diverses espèces de postures. » (Lalita vistara, f. 222 a de mon man.) Les Chinois connaissent également la valeur de ce terme, qui est sinon transcrit, du moins défini dans un passage d’une note de M. A. Rémusat, relative à la discipline. (Foe koue ki, p. 60.) Les Singhalais connaissent également cette expression, et Clough la définit ainsi : « A general term expressing existence, either sitting, standing, reclining or walking. (Singhal. Diction., t. II, p. 70, col. 2.) Les textes pâlis nous apprennent qu’Ânanda parvint à la perfection d’Arhat dans un moment où il ne pratiquait aucun des quatre îryâ patha, c’est-à-dire qu’il n’était ni couché, ni assis, ni debout, ni marchant. (Turnour, Examin. of pâli Buddh. Ann., dans Journ. Asiat. Soc. of Beng., t. VI, p. 517.) La traduction que j’en donne ici ne préjuge rien sur le sens que peut avoir dans d’autres passages ce terme, dont la présente note fixe suffisamment la signification générale. J’en trouve dans le Mahâvastu (f. 265 a de mon man.) un exemple qui prouve qu’on l’applique à d’autres personnages que le Buddha, et qu’on en fait un emploi assez fréquent. La première fois que Çâriputtra, qui n’est pas encore converti au Buddhisme, rencontre un Religieux, il s’écrie : Kalyâṇâ punar iyam pravradjitasya îryâ, « Elle est belle en effet, la démarche du Religieux. » Comme le Religieux en question est représenté parcourant Râdjagrĭha, la traduction de ce mot par démarche est certainement ici la plus exacte. (Voyez les additions, à la fin du volume.)

  1. Nous avons encore ici une expression difficile tout à fait propre aux Buddhistes, c’est le terme âvêṇika, qu’on trouve ordinairement joint à Dharma. Je n’ai jusqu’ici rencontré nulle part l’explication de cet adjectif, et c’est par conjecture que je le traduis comme je fais, le prenant pour un dérivé du mot avêṇi, qui ne forme pas une tresse, ou qui ne se confond pas à la manière de plusieurs fleuves se réunissant en un seul. » Ce qui me suggère cette interprétation, c’est un passage de l’Avadâna çataka (f. 4 a), où il est question des trois secours de la mémoire qui ne se confondent pas. Ces secours sont probablement les moyens supérieurs que possède le Buddha de se rappeler le passé, de connaître le présent et de prévoir l’avenir ; et sans doute que par smrĭti (mémoire) il faut entendre l’esprit en général, ainsi que le font d’ordinaire les Buddhistes. Le Buddha, en effet, possède une connaissance distincte des trois parties de la durée, dont le spectacle ne se confond pas dans son esprit. Dans un autre endroit de l’Avadâna çataka (f. 7 a), on parle des cinq conditions distinctes (âvêṇika) qui se rencontrent chez une femme d’une nature éclairée ; ce second passage ne présente rien qui contredise le sens que je crois pouvoir déduire du premier.