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XII
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

berceau de tant d’idiomes, et par ces idiomes, de tant de croyances mythologiques, religieuses et philosophiques ? On doit dire à l’honneur des principales nations de l’Europe que des études si nouvelles et si importantes furent accueillies avec empressement dès que l’on comprit les conséquences qui en pouvaient sortir ; et sur les pas de la France, plusieurs gouvernements fondèrent des chaires publiques de sanscrit. Le développement considérable qu’ont pris ces études, les monuments qu’elles ont déjà produits et tous ceux qu’elles promettent encore à des siècles d’études, l’importance et la variété de ces monuments, attestent assez que les gouvernements européens ont bien fait d’en croire les conseils des philologues, et que ceux-ci n’ont pas mal placé leur admiration et leurs veilles.

M. Eugène Burnouf, instruit tout ensemble par ses deux maîtres, son père et M. de Chézy, et par son propre talent, eut bientôt dépassé les leçons qu’il recevait ; et je ne crains pas d’affirmer que, dès ce temps, il savait le sanscrit comme il sera donné à bien peu de gens de jamais le savoir. J’insiste sur ce point, parce que c’est à l’aide du sanscrit que M. Eugène Burnouf a pu concevoir toutes ses entreprises, et que sans cet instrument tout-puissant, il n’eût pu accomplir aucune de ses découvertes.

La première application qu’il en fit, après l’Essai sur le pâli, fut son cours à l’École normale sur la grammaire générale et comparée. Cette conférence avait été créée pour lui en novembre 1829, et il remplit ces fonctions jusqu’en février 1883. Quand cette chaire fut fondée, il était à peu près le seul qui pût l’occuper, et quand elle fut détruite après sa démission, il eût été très-difficile de le remplacer ; la suppression de cette chaire a été certainement une regrettable lacune réparée plus tard dans l’enseignement d’une grande école ; mais le ministre qui ne donna point de successeur à M. Eugène Burnouf peut trouver une excuse dans l’extrême embarras d’un tel héritage. Du reste, M. Eugène Burnouf n’a rien publié de ses leçons ; mais elles avaient laissé de tels souvenirs, non pas seulement parmi ses auditeurs, mais encore dans toutes les générations qui depuis vingt ans se sont succédé à l’École normale, que les rédactions insuffisantes qui en furent faites sont encore aujourd’hui très-recherchées par les élèves et par les candidats ; ils les avaient fait lithographier pour en répandre l’usage, et les cahiers passaient religieusement de mains en mains d’une promotion à une autre. On pouvait croire que M. Eugène Burnouf n’avait rien conservé pour lui-même de ce cours qu’il regardait peut-être comme une incomplète épreuve du professorat ; mais j’ai retrouvé ce cours écrit presque tout entier de sa main ; et bien que la rédaction faite à la hâte ne soit pas absolument arrêtée, la plus grande partie mériterait cependant de voir le jour et pourrait affronter les regards de la critique. Sans doute, l’auteur eût fait bien des changements à cet ouvrage de sa jeunesse, s’il eût cru plus tard devoir l’offrir au public ; mais, dans l’état même où je le trouve, je le crois digne d’être conservé, et je suis assuré que l’impression ne ferait aucun tort à l’érudition et à la renommée de l’illustre philologue. Le manuscrit ne comprend pas moins de 450 pages in-4o d’une écriture fine et serrée ; il ne va pas au