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DU BUDDHISME INDIEN.


remontent jusqu’au temps des premiers disciples de Çâkya, ou qu’ils descendent aussi bas que l’époque du dernier concile du Nord, peu importe ; le rapport qui me paraît exister entre eux et les Sûtras développés ne changera pas ; la distance qui sépare les uns des autres pourra seule augmenter ou décroître.

Si, comme j’ai lieu de le croire, les observations précédentes sont fondées, je suis en droit de dire que ce qu’il y a de commun entre les Sûtras développés et les Sûtras simples, c’est le cadre, l’action, la théorie des vertus morales, celle de la transmigration, des récompenses et des peines, des causes et effets, sujets qui appartiennent également à toutes les écoles ; mais ces divers points sont traités, dans les uns et dans les autres, avec des différences de proportion tout à fait caractéristiques. J’ai montré combien le cadre des Sûtras développés était plus vaste que celui des Sûtras simples ; celui des premiers est presque sans bornes ; celui des seconds est restreint aux limites du vraisemblable. L’action, quoique la même de part et d’autre, ne s’accomplit pas dans les Sûtras développés pour les mêmes auditeurs que dans les Sûtras simples ; c’est toujours Çâkyamuni qui enseigne ; mais au lieu de ces Brâhmanes et de ces marchands qu’il convertit dans les Sûtras simples, ce sont, dans les Sûtras développés, des Bôdhisattvas fabuleux comme les mondes d’où ils sortent, qui viennent assister à son enseignement. La scène des premiers est l’Inde, les acteurs sont des hommes et quelques Divinités inférieures ; et sauf la puissance de faire des miracles que possèdent Çâkya et ses premiers disciples, ce qui s’y passe paraît naturel et vraisemblable. Au contraire, tout ce que l’imagination peut concevoir d’immense dans l’espace et dans le temps est encore trop resserré pour la scène des Sûtras développés. Les acteurs y sont ces Bôdhisattvas imaginaires, aux vertus infinies, aux noms sans fin et qu’on ne peut prononcer, aux titres bizarres et presque ridicules, où les océans, les fleuves, les vagues, les rayons, les soleils s’accouplent de la manière la plus puérile et la moins instructive aux qualités d’une perfection sans mérite, parce qu’elle y est sans effort. Il n’y a plus là personne à convertir ; tout le monde croit, et chacun est bien sûr de devenir un jour un Buddha, dans un monde de diamant ou de lapis-lazuli. Il résulte de tout ceci que plus les Sûtras sont développés, plus ils sont pauvres en détails historiques ; et que plus ils pénètrent avant dans la doctrine métaphysique, plus ils s’éloignent de la société et deviennent étrangers à ce qui s’y passe. N’en est-ce pas assez pour nous faire croire que ces livres ont été rédigés dans des pays et à des époques où le Buddhisme avait atteint à tous ses développements, et pour assurer toute la vraisemblance désirable à l’opinion que j’ai cherché à établir, savoir l’antériorité des Sûtras ordi-