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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Eh bien, c’est ici que paraît clairement la différence et l’antériorité des Sûtras simples sur les Sûtras vâipulyas ; tout ce qui manque dans les seconds se trouve dans les premiers. Les Sûtras ordinaires nous montrent le Buddha Çâkyamuni prêchant sa doctrine au milieu d’une société qui, à en juger par les légendes dans lesquelles il joue un rôle, était profondément corrompue. Sa prédication est surtout morale ; et quoique la métaphysique n’y soit pas oubliée, elle y occupe certainement une moins grande place que la théorie des vertus imposées par la loi du Buddha, vertus entre lesquelles la charité, la patience et la chasteté sont sans contredit au premier rang. La loi, comme Çâkya l’appelle, n’est pas dans ces livres exposée dogmatiquement ; elle y est seulement indiquée, le plus souvent d’une manière vague, et présentée plutôt dans ses applications que dans ses principes. Pour déduire de tels ouvrages une exposition systématique de la croyance des Buddhistes, il faudrait en posséder un très-grand nombre ; encore n’est-il pas certain qu’on pût arriver à tracer par ce moyen un tableau complet de la morale et de la philosophie buddhique ; car les croyances y paraissent pour ainsi dire en action, et certains points de doctrine y sont rappelés à chaque page, tandis que d’autres y sont à peine indiqués, ou ne le sont pas du tout. Mais cette circonstance, qui est pour nous une imperfection véritable, a bien aussi ses avantages sous le point de vue historique. Elle est un indice certain de l’authenticité de ces livres, et elle prouve qu’aucun travail systématique n’a tenté de les compléter après coup, ni de les mettre, par des additions postérieures, au niveau des progrès qu’a certainement faits le Buddhisme dans le cours des temps. Les Sûtras développés ont, quant à la doctrine, un avantage marqué sur les Sûtras simples ; car la théorie s’y montre plus avancée sous le double rapport du dogme et de la métaphysique ; mais c’est justement cette particularité qui me fait croire que les Sûtras vâipulyas sont postérieurs aux Sûtras simples. Ces derniers nous font assister à la naissance et aux premiers développements du Buddhisme ; et s’ils ne sont pas contemporains de Çâkya lui-même, ils nous ont au moins conservé très-fidèlement la tradition de son enseignement. Des traités de ce genre ont sans doute pu être imités et composés après coup dans le silence des monastères ; mais en admettant même que nous n’ayons plus que les imitations des livres originaux, tout lecteur de bonne foi qui les étudiera dans les manuscrits sanscrits du Népâl sera forcé de convenir qu’ils sont encore plus rapprochés de la prédication de Çâkya que les Sûtras développés. C’est là le point même que je désire établir en ce moment, celui qu’il importe de mettre à l’abri de toute contestation ; quelle que soit la date à laquelle des recherches ultérieures doivent un jour placer les Sûtras les plus simples, qu’ils