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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


aussi celui du second Bôdhisattva dont je parlerai tout à l’heure. Ainsi les Chinois, qui, comme je l’ai déjà fait pressentir, suivent en général la tradition du Nord, ont pour Mañdjuçrî une vénération toute spéciale, qui est également partagée par les Tibétains et par les Mongols. La relation de Fa hian nous fournit même sur ce personnage un renseignement de quelque intérêt : premièrement, en ce qu’elle fait remonter au moins au ive siècle de notre ère le culte dont Mañdjuçri était l’objet ; secondement, en ce qu’elle donne à penser que l’existence de Mañdjuçrî se rattache par des liens qui nous sont encore inconnus à celle d’une portion considérable de la collection du Nord, la Pradjña pâramitâ, dont il sera bientôt question. Voici le passage même qu’il importe de citer. Après avoir rapporté les hommages qu’il avait vu rendre aux tours, c’est-à-dire aux Stûpas de Çâriputtra, de Mâudgalyâyana et d’Ânanda, qui subsistaient encore de son temps dans le Madhyadêça, c’est-à-dire dans l’Inde centrale, Fa hian ajoute : « Ceux qui ont un maître d’A pi than rendent leurs hommages à l’A pi than ; ceux qui ont un maître en fait de préceptes honorent les préceptes. Chaque année il y a un service de ce genre, et chacun d’eux à son tour. Les dévots au Ma ho yan (Mahâyâna) rendent hommage au Pan jo pho lo mi (Pradjñâ pâramitâ), à Wen tchu sse li (Mañdjuçri) et à Kouan chi in (Avalôkitêçvara)[1]. » Je ne doute pas que par le terme d’A pi than on ne doive entendre l’Abhidharma, comme l’a bien vu M. A. Rémusat, et que les préceptes ne désignent les Sûtras, distinction qui appartient aux premiers âges du Buddhisme, et qui s’est perpétuée pendant que se développaient les diverses écoles philosophiques nées au sein de ce culte, les unes se rattachant spécialement aux Sûtras, ou aux préceptes émanés de la bouche de Çâkya lui-même, les autres suivant l’Abhidharma ou les recueils de métaphysique extraits des Sûtras, ou, d’une manière plus générale, de la prédication même du Buddha. À côté de ces deux classes de textes dont j’ai parlé amplement dans ma description de la collection buddhique en général, Fa hian place des Buddhistes qui suivaient le Mahâyâna, ou les livres servant de grand véhicule et qui rendaient un culte à la Perfection de la sagesse. J’ai déjà indiqué sommairement, et je montrerai plus tard en détail, que le titre de Pradjñâ pâramitâ est la dénomination générique des livres consacrés à la haute métaphysique, et il me suffit en ce moment de dire que les traités réunis sous ce titre sont en effet, comme le pensait Fa hian, des ouvrages servant de grand véhicule. Mais ce qu’il importe de rappeler, c’est que les Sûtras développés sont aussi nommés Mahâyânas, et que ce titre ne s’applique, à ma

  1. Foe koue ki, p. 101.