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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


pement et la diffusion. Les Sûtras ordinaires sont, relativement à des livres tels que le Lotus, rédigés avec une mesure remarquable. Les traits principaux des Sûtras développés s’y retrouvent en général ; mais ces traits y sont seulement indiqués, et toujours d’une manière concise. Le Buddha est d’ordinaire dans une ville du centre de l’Inde, au milieu d’une assemblée de Religieux qui l’écoutent ; cette assemblée, formée d’un nombre d’auditeurs généralement peu considérable, s’augmente quelquefois de la foule des Dieux avec lesquels s’entretient Çâkya, en vertu de sa puissance surnaturelle. Mais on ne retrouve, dans cette indication du lieu de la scène et du cadre des Sûtras simples, rien qui rappelle les amples et fastidieux développements qui ouvrent un grand nombre de Sûtras développés, et dont on voit un exemple dans le Lotus de la bonne loi. Que l’on compare, en effet, avec le début de ce dernier ouvrage, celui du Sûtra de Kanakavarna, et l’on comprendra sur quoi porte la différence que j’ai dessein de signaler. Dans les Sûtras étendus, comme le Saddharma pundarîka, le Samâdhi râdja, le Saddharma Langkâvatâra, le Lalita vistara, le Ganda vyûha, le Buddha ne réunit pas une assemblée qu’elle ne soit composée d’un nombre ordinairement exagéré de Religieux et de Religieuses, de Dêvas de tous les ordres, et surtout de Bôdhisattvas, personnages dont les mérites ne sont pas moins innombrables que leurs noms sont compliqués[1]. La présence des Bôdhisattvas dans le préambule des grands Sûtras est notamment une particularité très-caractéristique, et qui les sépare d’une manière tout à fait tranchée des Sûtras simples. Il n’est dit dans aucun des Sûtras simples ou Avadânas que je connais qu’un seul Bôdhisattva ait jamais assisté à une assemblée où Çâkya enseignait la loi ; et le Bôdhisattva que l’on trouve le plus fréquemment cité, Mâitrêya, c’est-à-dire celui qui doit succéder à Çâkyamuni[2], comme Buddha, ne paraît jamais, à ma connaissance, que là où il doit être dans le système de tous les Buddhistes, savoir parmi les dieux Tuchitas[3], de la demeure desquels il descendra un jour sur la terre, pour y accomplir sa dernière existence mortelle, s’élever au rang de Buddha sauveur du monde, et entrer ensuite dans l’anéantissement complet du Nirvana. Si j’ai bien compris les Sûtras et les

  1. M. Schmidt a donné, d’après les livres mongols, une très-bonne description du préambule d’un Sûtra développé. (Ueber einige Grundlehren des Buddh., dans Mém. de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. 1, p. 242, 243.)
  2. On peut voir dans une note du Foe koue ki (p. 33 et 34) le résumé sommaire de la légende relative à la venue future de Mâitrêya en qualité de Buddha.
  3. Les dieux Tuchitas, ou joyeux, sont également connus des Brâhmanes, auxquels les Buddhistes en ont vraisemblablement emprunté le nom. Dans la cosmogonie buddhique, ils habitent le quatrième des six cieux superposés au-dessus de la terre, dont l’ensemble forme le monde des désirs. (A. Rémusat, Essai sur la cosmogonie buddhique, dans Journal des Savants, année 1831, p. 610.)