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VIII
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

intelligence qui composent toute l’histoire de sa vie. C’est une observation qu’on a faite cent fois ; et, si je la répète, c’est pour en constater une fois de plus la justesse.

M. Eugène Burnouf, fils unique de M. J.-L. Burnouf, célèbre auteur de la grammaire qui a renouvelé parmi nous l’étude du grec, naquit à Paris le 8 avril 1801. Il fit de brillantes et très-fortes études au collége Louis-le-Grand. Je remarque qu’au sortir de ses classes sa vocation ne s’était pas encore prononcée, et qu’il eut au début quelque incertitude sur la route qu’il devait prendre. En 1822, il était élève de l’école des Chartes. Reçu licencié-ès-lettres et licencié en droit, en 1824, il cultivait dès lors le sanscrit, qui devait lui ouvrir une carrière sans bornes et si belle ; et si je puis rappeler un souvenir tout personnel, dès cette époque il possédait assez bien cette langue pour nous en donner des leçons à mon ami Littré et à moi. D’ailleurs, il n’est pas douteux que ces commencements, quelque étrangers qu’ils semblent à la suite de ses travaux, n’y aient été fort utiles. L’habitude de déchiffrer les textes français et latins lui enseigna plus tard à déchiffrer les textes bien autrement difficiles des idiomes asiatiques. La sagacité merveilleuse dont ses amis lui ont vu donner tant de preuves s’est aiguisée, s’est formée à ces premiers essais ; et l’école des Chartes, qui doit se glorifier de l’avoir compté parmi ses élèves, peut revendiquer aussi une certaine part dans les études auxquelles elle le prépara si bien. Les écritures des différents peuples, quelque dissemblables qu’elles paraissent, ont cependant beaucoup de traits communs, même dans leurs modifications les plus bizarres ; et c’est un instrument bien utile pour les démêler que d’en avoir une fois pénétré même une seule à fond. Pour qui connaît les manuscrits sur lesquels M. Eugène Burnouf a consumé son existence et ses forces, il est certain que cette initiation de l’école des Chartes, loin d’avoir été pour lui une déviation, a été, au contraire, une sorte d’acheminement. Les études même de droit ne l’ont pas écarté autant qu’on pourrait le croire, et en retrouvant tout récemment dans ses papiers un Mémoire étendu sur quelques points de l’ancienne législation civile des Indiens et des notes nombreuses sur les digestes hindous, je me disais que l’élève en droit n’avait pas tout à fait perdu le temps du philologue, et que M. Eugène Burnouf aurait moins bien compris Manou et Yâdjnavalkya s’il eût été moins versé dans les matières de législation. La thèse qu’il passa en 1824 fut très-remarquée, et elle reste encore dans la mémoire de ceux qui l’ont connue ; elle fut beaucoup louée des professeurs devant lesquels il la soutint. Doué d’une très-rare facilité de parole et d’infiniment d’esprit, M. Eugène Burnouf eût réussi certainement au barreau ; et il s’y serait fait, selon toute apparence, une position brillante et lucrative. Il a préféré les austérités de la science, et il a eu raison, quoique la science ne lui ait pas toujours rendu ce qu’elle lui devait.

C’est en 1826 que la vocation de M. Eugène Burnouf fut irrévocablement fixée. Dans cette année, il publia, de concert avec M. Chr. Lassen, son Essai sur le pâli ou langue sacrée de la presqu’île au delà du Gange. Patroné par Abel Rémusat, imprimé