Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Bhagavat se dirigeant vers le bois de Vâiçâlî, tourna son corps tout d’une pièce sur la droite, et regarda de la manière dont regardent les éléphants[1]. Alors le respectable Ânanda parla ainsi à Bhagavat : Ce n’est pas sans cause, ce n’est pas sans raison, ô vénérable, que les Tathâgatas vénérables, parfaitement et complètement Buddhas, regardent à droite de la manière dont regardent les éléphants. Quelle est, ô vénérable, la cause, quel est le motif de ce genre de regard ? — C’est cela, ô Ânanda, c’est cela même. Ce n’est pas sans cause, ce n’est pas sans motif que les Tathâgatas parfaitement et complètement Buddhas, tournant leur corps tout d’une pièce à droite, regardent de la manière dont regardent les éléphants. C’est la dernière fois, ô Ânanda, que le Tathâgata regarde Vâiçâlî[2]. Le Tathâgata, ô Ânanda, n’ira plus à Vâiçâli ; il ira, pour entrer

    de Çâkya, n’était qu’un grand bourg, a pu devenir plus tard une ville fermée. Le terme pâli Kusinârâ signifie, à ce que je crois, « l’eau de Kuçi ou du bourg abondant en Kuça » (poa cynosuroides). Cette désignation vient sans doute de ce que cet endroit n’était pas très-éloigné de la rivière Hiranyavatî, dont les eaux fertilisaient la campagne. Csoma de Cörös, qui avait été averti par le mot tibétain rtsa-tchan du vrai sens de kuçi, qu’il traduit bien par l’anglais grassy, « abondant en gazon, » a cru à tort que Kuçinagarî était une ville de l’Assam (Asiat. Res., t. XX, p. 91) ; mais Klaproth a relevé cette erreur, en montrant que ce lieu devait être situé sur la rive orientale de la Gaṇḍaki (Foe koue ki, p. 236), et Wilson croit en reconnaître l’emplacement dans la petite ville de Kesia (Journ. Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 126), où l’on a découvert une image colossale de Çâkia. (Liston, Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 477.) Fr. Hamilton en a donné un dessin accompagné d’une inscription incomplète. (The History, etc., of East India, t. II, p. 357.)

  1. M. Turnour nous apprend que, suivant les Buddhistes du Sud, un Buddha, comme un roi souverain, a le col formé d’un os unique, de sorte qu’il est obligé de tourner son corps tout entier pour voir les objets qui ne se trouvent pas immédiatement devant lui. (Journ. Asiat. Soc. of Beng., t. VII, p. 1003, note.)
  2. Je donne ici sur ce nom quelques détails que le défaut d’espace m’a empêché de placer la première fois qu’il s’est présenté. Vâiçâlî est une ville anciennement célèbre par ses richesses et son importance politique, dont le nom paraît souvent dans les prédications et les légendes de Çâkya. Elle était située dans l’Inde centrale, au nord de Pâṭaliputtra, et sur la rivière Hiraṇyavatî, la Gaṇḍaki des modernes. (Klaproth, Foe koue ki, p. 244.) Hiuan thsang nous apprend qu’elle était en ruines au commencement du viie siècle de notre ère. Wilson a bien vu que cette ville devait être la Viçâlâ du Râmâyaṇa (éd. Schlegel, texte, l. I, c. 47, st. 13 ; trad. lat., t. I, p. 150) ; mais la récension Gâuḍa, telle que la donne Gorresio, écrit ce nom Vâiçâli (t. I, c. 48, st. 14), ainsi que Carey et Marshmann (Râmâyaṇa, t. I, p. 427), exactement comme les livres buddhiques que j’ai sous les yeux. Entre ces deux orthographes, je n’hésite pas à préférer celle de Vâiçâlî, qui a pour elle la transcription déjà ancienne du pâli Vêçâli. (Clough, Pâli Gramm. and Vocab., p. 24, st. 2.) Il est clair que si au temps de la rédaction des livres pâlis, ce nom se fût prononcé Viçâlî et non Véçâlî (pour Vâiçâlî), on l’eût transcrit Visâli dans ces livres. L’adoption de l’orthographe buddhique, que nous offrent deux éditions du Râmâyana, et que confirment également le Vichṇu purâṇa et le Bhâvagata (l. IX, c. 2, st. 33), a en outre l’avantage de faire cesser la confusion signalée par Wilson (Vichṇu purâṇa, p. 353, note) entre la Viçâlâ, qui est la même qu’Udjdjayanî, et la Viçâlâ (pour Vâiçâlî) du Râmâyaṇa. Longtemps avant qu’on pût se servir des livres buddhiques pour éclaircir la géographie de cette partie de l’Inde, Hamilton avait bien vu que Vâiçâlî (qu’il écrit Besala) devait se trouver dans le pays situé au nord du Gange, presque en face de Patna, et confinant au Mithila. (Genealog. of the Hindus, Introd., p. 38.) C’en est assez, je pense, pour réfuter l’opinion de Csoma, qui cherchait Vâiçâlî sur l’emplacement