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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

questions de temps et de lieu ; puis, au dehors et parmi le petit nombre de savants qu’une louable curiosité attire vers les résultats promis à ces recherches, des résolutions toutes faites, des opinions arrêtées et prêtes à résister à l’autorité des textes, parce qu’elles se flattent de reposer sur une autorité supérieure à toutes les autres, sur celle du sens commun. Ai-je besoin de rappeler que, pour quelques personnes, toutes les questions relatives au Buddhisme étaient déjà décidées, quand on n’avait pas encore lu une seule ligne des livres que j’analyserai tout à l’heure, quand l’existence de ces livres n’était pas même soupçonnée de qui que ce fût ? Pour les uns, le Buddhisme était un vénérable culte né dans l’Asie centrale, et dont l’origine se perdait dans la nuit des temps ; pour les autres, c’était une misérable contrefaçon du Nestorianisme ; on avait fait de Buddha un Nègre, parce qu’il avait les cheveux crépus ; un Mongol, parce qu’il avait les yeux obliques ; un Scythe, parce qu’il se nommait Çâkya. On en avait même fait une planète ; et je ne sais pas si quelques savants ne se plaisent pas encore aujourd’hui à retrouver ce sage paisible sous les traits du belliqueux Odin. Certes, il est permis d’hésiter, quand à ces solutions si vastes on ne promet de substituer que des doutes, ou que des explications simples et presque vulgaires. L’hésitation peut même aller jusqu’au découragement, lorsque l’on retourne sur ses pas et que l’on compare les résultats obtenus au temps qu’ils ont coûté. J’ose compter toutefois sur l’indulgence des hommes sérieux auxquels s’adressent ces études ; et tout en me laissant le sentiment de mon insuffisance, dont je suis plus que jamais pénétré, l’espoir de leur bienveillante attention m’a donné le courage de produire ces ébauches, destinées à ouvrir la voie à des recherches qui, pour n’avoir pas encore un public bien nombreux, n’en ont pas moins en elles-mêmes une valeur incontestable pour l’histoire de l’esprit humain.


SECTION II.
SÛTRAS OU DISCOURS DE ÇÂKYA.

La description générale que je viens de donner de la Collection des écritures buddhiques trace nettement la marche que je dois suivre dans l’examen qui me reste à faire des principaux ouvrages contenus dans cette collection.

J’ai montré que tous les renseignements s’accordent à nous présenter les Sûtras comme les traités qui se rattachent le plus étroitement à la prédication