Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensait plus qu’à la terre et à la révolution qu’il se proposait d’apporter dans la façon dont on l’avait jusqu’ici cultivée. Le jardin, sauf l’orangerie, fut abandonné entièrement à Lenny, et des journaliers furent appelés pour aider aux travaux des champs. Jackeymo avait découvert qu’une partie du terrain convenait à la lavande, que dans un autre endroit viendrait la camomille, il avait au fond de son cœur affecté à la culture du lin un beau champ fort riche ; mais le squire se refusa avec obstination à cet ensemencement. M. Hazeldean avait sur ce sujet de vieux préjugés qui forent invincibles.

Pour compenser la perte du lin, Jackeymo résolut de convertir en verger un pré qui, d’après ses calculs, devait rapporter net dix livres sterling par acre au moment où miss Violante se marierait.

Tous ces changements laissaient le pauvre Lenny Fairfield abandonné à lui-même au moment où les nouveaux horizons que lui ouvrait la connaissance des livres rendaient pour lui plus désirables que jamais les conseils d’un esprit supérieur.

Un soir qu’après sa besogne faite Lenny retournait à la maison de sa mère le cœur triste et pesant, il rencontra tout à coup Sprott le chaudronnier.


CHAPITRE III.

Le chaudronnier était assis sous une haie, raccommodant une vieille casserole ; un petit feu brûlait devant lui, et tout auprès son âne se livrait à un paisible somme. Quand Lenny passa, M. Sprott leva la tête, fit un signe amical et dit :

« Bonsoir, Lenny ; je suis bien aise de te savoir si bien placé chez le monsignor. Mais assieds-toi là un peu, Lenny ; j’ai un avis à te donner.

— À moi….

— À toi. Tiens, repousse un peu la bête et assois-toi là. »

Lenny, quoique d’assez mauvaise grâce et avec quelque appréhension, se rendit à cette invitation.

« J’ai entendu dire, commença le chaudronnier d’une voix que deux clous placés entre ses dents rendaient presque inintelligible, j’ai entendu dire que tu étais fou de lecture. J’ai là dans mon sac quelques gentils petits livres pas chers… pour un penny, quoi, tu peux t’en payer un.

— Je serais bien aise de les voir, » dit Lenny dont les yeux étincelèrent.

Le chaudronnier se leva, ouvrit un des paniers placés sur le dos de son âne, prit son sac qu’il mit devant Lenny en lui disant de