Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

railleries qui, disait-elle, tomberaient bientôt d’elles-mêmes, si on n’y faisait pas attention. Mais le parti de la veuve était pris, et mistress Hazeldean se retira affligée et mécontente.

Mistress Fairfield, comprit qu’on avait tacitement accédé à sa demande, et un matin de bonne heure, on trouva sa porte fermée, elle en avait laissé la clef à un voisin pour la remettre à l’intendant, et après de plus amples recherches, on acquit la certitude que le mobilier et les effets avaient été emportés au point du jour par le voiturier. Lenny avait réussi à trouver une petite habitation sur la route, non loin du casino, et là, le visage joyeux, il attendait avec impatience le moment de souhaiter le bonjour à sa mère, à l’heure du déjeuner, et de lui montrer comment il avait employé la nuit à ranger le mobilier.

« Ah ! curé, c’est bien votre faute, » s’écria le squire en apprenant ces nouvelles pendant qu’il inspectait avec M. Dale quelques travaux d’amélioration dans l’hospice. « Oui, c’est bien votre faute. Pourquoi n’êtes-vous pas allé parler à cet imbécile de garçon et à son entêtée de mère ?

— Comme si je ne leur avais pas parlé, et même durement à tous les deux, dit le curé tristement surpris d’un telle accusation ; mais tout a été vain. Ô squire ! que n’avez-vous suivi mon avis à propos des ceps : Quieta non movere.

— C’est cela, dit le squire. Je vois qu’on va me faire passer ici pour un tyran, un Néron, un Richard III ou un grand inquisiteur, parce que j’ai tout bonnement voulu faire des choses propres et convenables. Mes ceps ! Mais votre ami Rickeybockey dit que jamais de sa vie il ne s’est trouvé plus à son aise que dans les ceps ; qu’il a été enchanté de s’y reposer. Et il me semble que ce qui n’avait pas blessé la dignité de Rickeybockey, ne devait pas être une si grande affaire pour Léonard Fairfield. Mais il est inutile de revenir là-dessus. Il faut malgré tout, savoir ce que devient cette femme, je n’ai pas envie qu’on vienne m’accuser de l’avoir fait mourir de faim.


CHAPITRE X.

De toutes les denrées et marchandises qui se vendent et s’achètent dans notre société moderne, il n’en est pas qui soit aussi soigneusement pesée, aussi rigoureusement mesurée, aussi minutieusement épluchée, grattée, versée à un milligramme près, que l’indispensable article qu’on appelle : Excuse. Si les chimistes étaient de moitié aussi circonspects dans la vente de leurs poisons, il se produirait annuellement une diminution notable dans la liste des individus morts par l’arsenic ou par l’acide prussique.