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— Écoutez-moi ! interrompit Cesarini. Lorsque je m’enfuis de l’horrible prison où l’on m’avait plongé, lorsque je respirai la fraîcheur de l’air, et que je courus en bondissant sur l’herbe, lorsque je me trouvai encore une fois libre de corps et d’esprit, soudain les sons d’une musique villageoise frappèrent mon oreille, je m’arrêtai sur-le-champ, je me couchai à terre, et je retins mon haleine pour mieux écouter. La musique cessa ; et je crus que je venais d’auprès de Florence, et je pleurai amèrement ! Quand je me remis, la mémoire me revint claire et distincte ; et j’entendis une voix qui me disait : « Venge-la, et venge-toi ! » Dès ce moment cette voix s’est fait entendre à moi matin et soir ! Lumley Ferrers, je l’entends en cet instant !… elle parle à mon cœur !… elle échauffe mon sang !… elle raffermit ma main ! Sur qui la vengeance doit-elle tomber ? Dites-le-moi ! »

Lumley marchait à grands pas ; ils étaient enfin sortis du quinconce ; une foule brillante était devant eux.

« Je suis sauvé, » pensa l’Anglais. Il se tourna soudain, avec hauteur, du côté de Cesarini, en agitant la main.

« Arrière, insensé ! dit-il d’une voix forte et sévère : laissez-moi ! Ne m’importunez plus, ou je vous fais arrêter ! Laissez-moi, vous dis-je ! »

Cesarini s’arrêta stupéfait, interdit, pendant un instant ; puis, avec un regard farouche et un cri étouffé, il se jeta sur Vargrave. L’œil de ce dernier était vigilant et sa main préparée : il saisit le bras levé du fou, et il cria au secours.

Mais la fureur de l’autre était maintenant complétement déchaînée ; il précipita Vargrave sur le sol, avec une force à laquelle le pair n’était pas préparé, et Lumley ne se serait peut-être pas relevé vivant, si deux soldats, assis près de là, ne s’étaient élancés à son secours. Cesarini était agenouillé sur le sein de sa victime, et ses longs doigts osseux s’enlaçaient déjà autour de sa gorge. Arraché de cette position, il tourna ses regards farouches et flamboyants sur ses nouveaux assaillants ; et après une lutte violente, mais momentanée, il se débarrassa de leur étreinte. Puis se tournant vers Vargrave, qui s’était relevé avec quelque difficulté, il lui cria d’une voix stridente :

« Je saurai bien te retrouver ! » et il s’enfuit parmi les arbres, et disparut.