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que m’avait dit Vargrave. Je vins ici ; Aubrey m’a tout appris. Je ne regrette plus le mensonge qui m’a si cruellement torturé pendant un moment ! Je ne regrette plus la rupture de mon mariage avec Éveline ; je ne regrette rien de ce qui me ramène enfin libre et sans entraves à tes pieds, pour me révéler ta sublime fidélité et ton ineffable amour. Ici donc, ici, sous ton toit, celui qui fut à la fois ton premier ami et ton premier ennemi, te demande, à genoux, le pardon et l’espérance !… Il te conjure d’être sa femme, sa compagne jusqu’au tombeau ! Oublie ses fautes, et sois pour lui, sous un nom plus saint, ce que tu fus jadis !

— Et vous êtes donc le fiancé d’Éveline ? Vous êtes celui qu’elle aime !… je comprends tout… tout ! »

Alice se leva, et avant même qu’il se doutât de son intention, avant qu’il se rendît compte de ce qu’elle éprouvait, elle avait quitté l’appartement.

En proie aux sentiments les plus douloureux, il attendit longtemps son retour ; elle ne vint point. À la fin il lui écrivit précipitamment quelques lignes pour la conjurer de revenir auprès de lui, de le tirer de cet état de suspens, de croire à sa sincérité, d’accepter ses vœux. Il lui envoya ce billet dans sa chambre, où elle s’était empressée d’aller cacher son émotion. Quelques minutes après on lui apporta cette réponse, écrite au crayon, et tachée de larmes.

« Je vous remercie ; je comprends votre cœur ; mais pardonnez-moi si je ne puis vous voir encore. Elle est si bonne, si belle ! Elle est digne de vous. Je serai bientôt résignée. Que Dieu vous bénisse ! qu’il vous bénisse tous deux ! »

La porte du presbytère s’ouvrit brusquement, et Maltravers y entra, d’un pas empressé, mais appesanti.

« Allez auprès d’elle ! allez auprès de cet ange !… allez, je vous en conjure ! Dites-lui qu’elle me fait injure… si elle pense que je puisse jamais épouser une autre femme qu’elle, que je puisse jamais avoir d’autre but dans la vie que de réparer mes torts envers elle, que de me rendre digne d’elle Allez, allez… plaidez en ma faveur ! »

Aubrey, à qui Maltravers eut bientôt fait comprendre ce qui s’était passé, s’achemina vers le cottage. Il était près de minuit lorsqu’il revint. Maltravers vint à sa rencontre dans le cimetière, auprès de l’if.

« Eh bien ! eh bien !… quel message m’apportez-vous ?

— Elle désire que nous partions tous deux pour Paris de-