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Aussitôt qu’il fit nuit, après la dernière visite du gardien et quand tout fut silencieux dans la maison, à part quelque cri aigu qui retentissait de temps en temps dans un corps de logis éloigné, Cesarini se leva. Les étoiles qui scintillaient dans l’air froid et vif jetaient à travers les épais barreaux de la fenêtre un pâle rayon qui éclairait faiblement l’appartement. Ce fut alors qu’il tira de dessous son oreiller un trésor depuis longtemps caché avec un soin jaloux. Oh ! quel ravissement il avait éprouvé le jour où il s’en était emparé ! Avec quelle inquiétude il l’avait veillé et conservé ! que d’adroits stratagèmes, que de profondes inventions il avait employées pour tromper la vigilante surveillance du gardien et de ses satellites ! Jamais une mère errante et délaissée ne pressa plus tendrement son enfant sur son cœur, ne contempla ses traits avec plus d’amour, plus de folles visions d’avenir ! Qu’était-ce donc qui avait tant charmé le pauvre prisonnier, qui avait éveillé tant d’illusions dans l’âme du pauvre fou ? Un gros clou ! Il l’avait trouvé par hasard dans le jardin ; il le cachait depuis plusieurs semaines ; ce clou lui avait inspiré l’espoir de la liberté. Souvent, dans les livres il avait lu les miracles qui avaient été accomplis dans les temps passés, les pierres qui avaient été soulevées, les barreaux qui avaient été sciés, avec un instrument de ce genre. Il se rappelait que le plus célèbre de ces hardis malheureux qui vivent en dehors de la loi avait dit : — Choisissez ma prison, ne me donnez qu’un clou rouillé, et je me ris de vos geôliers et de vos murailles !

Cesarini s’approcha à pas de loup de la fenêtre. À la pâle lueur des étoiles il examina son trésor, et les yeux remplis de larmes, il le baisa avec passion.

Ce que c’est que la valeur réelle des choses ! Jamais roi n’attacha plus de prix à sa couronne que n’en attachait, ce soir-là, le fou à ce fragment de fil de fer rouillé, digne proie du tombereau d’un boueur, ou du tas de fumier. Et toi, vieux forgeron qui tiras du feu le sombre métal, tu ne songeais guère de quelle valeur inestimable il deviendrait un jour !

Cesarini, avec l’astuce particulière à son mal, avait depuis longtemps choisi cette chambre pour le théâtre de ses opérations. Il avait observé que les traverses de bois qui soutenaient les barreaux paraissaient vieilles et vermoulues ; que la fenêtre n’était qu’à quelques pieds du sol, que les gémissements que faisaient entendre au dehors, dans les