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vivait que pour elle. Vous savez qu’il a laissé toute sa fortune à miss Cameron ?

— Miss Cameron ! Qui est-ce, mylord ?

— Mais sa belle-fille ! Lady Vargrave était veuve ; elle s’appelait mistress Cameron.

— Mistress Cam… Je me souviens maintenant ! On avait mis Cameron dans les journaux ; mais j’ai cru que c’était par erreur. Mais peut-être (ajouta Winsley avec un ricanement singulièrement malveillant), peut-être lorsque votre digne oncle pensa à se faire nommer pair, n’aimait-il pas qu’on sût qu’il s’était marié avec une personne de si bas étage.

— Vous vous trompez complétement, mon cher monsieur ; mon oncle n’a jamais nié que mistress Cameron fût une personne sans fortune et sans naissance, veuve de quelque pauvre gentilhomme écossais, mort, je crois, dans l’Inde.

— Il avait dû la laisser dans une triste position, la pauvre femme ! Mais elle avait beaucoup de mérite, et elle travaillait courageusement. C’est elle qui a enseigné la musique à mes filles…

— À vos filles ! Mistress Cameron a donc demeuré à C***.

— Assurément ; mais on l’appelait alors mistress Butler ; ce nom-là valait bien l’autre, selon moi.

— Vous devez vous tromper ; mon oncle épousa cette dame dans le Devonshire.

— C’est bien possible, répondit le brasseur d’un ton bourru. Mistress Butler quitta la ville avec sa petite fille quelque temps avant le mariage de M. Templeton.

— Je vois bien que vous en savez plus long que moi, dit Lumley en s’efforçant de sourire. Mais comment pouvez-vous être sûr que mistress Butler soit la même personne que mistress Cameron ? Vous n’êtes pas entré chez mon oncle, vous n’avez pu voir lady Vargrave, car ici Lumley devina, si l’histoire était vraie, pourquoi son oncle avait exclu de chez lui son vieil ami.

— Non ; mais j’aperçus mylady sur la pelouse, dit M. Winsley avec un autre sourire sardonique ; je demandai, en sortant, au portier de la grille, si c’était là lady Vargrave, et il me répondit : « oui. » Cependant, mylord, ce qui est passé est passé ; je n’ai pas de rancune. Votre oncle était un excellent homme, et s’il m’eût dit : « Winsley, pas un mot au sujet de mistress Butler, » il aurait pu compter sur ma discrétion, tout aussi bien que lorsque, dans ses élections, il me mettait