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vélé à Lumley : secret qui avait beaucoup contribué à augmenter le mépris de lord Vargrave pour les formes et les convenances de la vie décente. Et ici, il est à propos de mentionner ce que dans le courant de ce volume le lecteur clairvoyant a peut-être deviné, que, quel que fût ce secret, il ne se rapportait pas expressément ou exclusivement au mariage singulier et mal assorti du feu Lord. À ce sujet il restait encore assez d’obscurité pour éveiller la curiosité de Lumley, s’il eût été un homme d’une curiosité bien vive. Mais cette question lui inspirait peu d’intérêt. Il en savait assez pour croire que nul renseignement supplémentaire ne pourrait lui être d’aucun avantage personnel ; pourquoi se tourmenterait-il alors l’esprit de ce qui ne lui remplirait jamais les poches ?

Un bâillement fort peu dissimulé de la part du secrétaire maigre fit sortir lord Vargrave de sa rêverie.

« Vous me faites envie, mon jeune ami, dit-il avec bonhomie. C’est un plaisir que nous perdons à mesure que nous vieillissons, celui d’avoir sommeil. Cependant au lit, comme dit lady Macbeth. Ma foi ! Je ne m’étonne guère que ce pauvre diable de Thane[1] ne fût pas bien pressé d’aller se coucher avec une pareille tigresse. Bonsoir !


CHAPITRE II

Ma fortune va prendre une face nouvelle.
(Racine. — Andromaque, acte I, sc. 1.)

Le lendemain matin Vargrave se fit indiquer le chemin pour aller chez M. Winsley, et s’achemina seul vers la maison du brasseur. Le secrétaire maigre alla visiter la cathédrale.

M. Winsley était un petit homme épais, avec des manières polies, mais brusques et franches. Il tressaillit en entendant le nom de lord Vargrave, et il le salua avec beaucoup de raideur. Vargrave vit d’un coup d’œil qu’il y avait quelque cause

  1. Chef de tribu écossaise.