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homme, lord Nelthorpe, qui ne pouvait plus dire trois mots dès qu’on lui retirait son chapeau ; un habitué infatigable d’Almacks, qui non-seulement ne se faisait pas entendre au parlement, mais y était même invisible. Il n’y avait aucune probabilité qu’il fût réélu. Le comte de Mainwaring, père de lord Nelthorpe, avait été récemment élevé à la pairie ; et, après lord Raby, c’était le plus riche patricien du comté. Or, bien qu’ils eussent, à peu de chose près, les mêmes opinions politiques, lord Raby haïssait lord Mainwaring. Ils étaient trop rapprochés l’un de l’autre ; ils se gênaient mutuellement ; ils avaient la jalousie de deux souverains limitrophes.

La pensée de se débarrasser de lord Nelthorpe ravissait lord Raby ; ce serait un coup bien sensible porté à l’influence des Mainwaring. Le parti de lord Raby cherchait donc un nouveau candidat ; et l’on avait beaucoup parlé de Maltravers. Il est vrai que, lorsqu’il était au parlement, quelques années auparavant, Maltravers différait dans ses opinions politiques de lord Raby et de son parti. Mais il y avait longtemps qu’il ne s’était occupé de politique ; il n’avait émis aucune opinion ; il était intimement lié avec les Merton, fort actifs dans les élections ; de plus on le supposait mécontent, et les hommes politiques ne croient qu’au mécontentement politique. On se répétait tout bas que Maltravers était devenu plus sage, qu’il avait changé de manière de voir. On citait, à l’appui de cette assertion, quelques remarques, plus théoriques que pratiques, qu’on lui avait entendu faire. Puis les partis s’était bien modifiés depuis que Maltravers avait quitté la scène d’action ; de nouvelles questions s’étaient présentées, tandis que les anciennes avaient cessé d’être.

Lord Raby et ses partisans pensaient que si Maltravers voulait bien s’unir à eux, nul ne pouvait faire mieux leur affaire. Les partis aiment encore mieux les nouveaux convertis que les adhérents fidèles : l’élévation d’un homme dans sa carrière date généralement du jour où il a su changer de bord au bon moment. La haute réputation de Maltravers, son rang dans sa province comme représentant de la plus ancienne famille non titrée du comté, son âge qui unissait à l’énergie de la jeunesse l’expérience de l’âge mûr, tout s’accordait, pour lui faire donner la préférence sur des hommes plus riches. Lord Raby avait témoigné au seigneur de Burleigh une courtoisie flatteuse et marquée. Il fit en sorte que