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LE SYNDICAT DES JOURNALISTES

tables en droit et en fait, que ne le seraient celles d’ambassadeurs, de préfets, de commandants d’armée publiant, sous formes d’articles de reportage, le contenu de leurs rapports à l’occasion d’une négociation diplomatique, d’une grève ou d’une bataille ; et pour les mêmes motifs elles doivent être incriminées, condamnées et supprimées.

La protestation que nous vous adressons nous paraît aussi indispensable que justifiée même à l’heure actuelle.

En effet, il semble que les parlementaires soient de plus en plus enclins à faire, dans la presse, un usage inadmissible des faveurs qu’ils tiennent de leur situation de parlementaires. Tout récemment, on a pu voir un député admis à pénétrer dans une ville française enlevée à l’ennemi, alors qu’il était interdit aux journalistes d’y aller ; et ce député, à son retour, publiait immédiatement dans quatre journaux différents, le même jour, un article de reportage sur sa visite.

Nous ne pouvons pas ne pas envisager avec inquiétude pour les lendemains de la guerre les conséquences de telles pratiques étendues par les parlementaires dans tous les domaines où s’exerce l’activité des journalistes.

Certes, le Syndicat des Journalistes n’obéit nullement à des préoccupations de « professionnalisme » étroit et tyrannique. Nous savons que la profession de journaliste est une profession constamment ouverte à tous, et qu’il ne peut en être autrement. Notre protestation vise simplement et catégoriquement le cas où le métier de reporter est exercé par des membres du Parlement dans les conditions anormales, irrégulières et illégitimes que nous avons précisées. Et c’est pourquoi, confiants au reste dans votre souci de sauvegarder la dignité de la profession journalistique, nous demandons instamment au Syndicat des Directeurs de Journaux de prendre en considération la protestation du Syndicat des Journalistes et de donner à cette protestation les suites que l’équité réclame.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus distingués et dévoués.

Pour le Conseil d’Administration
du Syndicat des Journalistes :
Le Secrétaire Général,
J. Ernest-Charles

M. Jean Dupuy nous a répondu que le Syndicat de la Presse Parisienne s’était déjà occupé, à deux reprises, de la question, en ayant été saisi par les correspondants de guerre, et que la question avait retenu son attention.

Il y a lieu de croire qu’elle l’avait retenue insuffisamment, puisque nos camarades, après deux démarches auprès du Syndicat des Directeurs, jugeaient à propos d’en faire une troisième — et très pressante — auprès du Syndicat des Journalistes… Et, si nous ne nous abusons, l’intervention du Syndicat des Journalistes n’a pas été totalement inutile puisque, depuis lors, dans de grands journaux où le parlementaire, retour de mission, signait à tour de bras, les articles de parlementaires ont été remplacés le plus souvent par des interviews et que, après l’armistice, les correspondants réguliers de journaux ont pu accomplir leur tâche sans subir une concurrence qui se faisait jusqu’alors de plus en plus indiscrète.

Au reste, en protestant une fois de plus que la profession de journaliste doit être aussi largement que possible ouverte à tous, le Syndicat des Journalistes persistera à faire ses efforts pour empêcher l’extension d’une concurrence abusive et parfois déloyale.

Copie de la lettre adressée par le Syndicat des Journalistes à M. Jean Dupuy a été envoyée aux parlementaires notables. Quelques-uns ont reconnu les exagérations commises, et même, dit l’un d’eux, l’exagération scandaleuse, mais ont allégué que la liberté devait rester totale ; d’autres ont proclamé le bien-fondé de la protestation du Syndicat. Un seul a protesté énergiquement qu’il ne faisait qu’user de son droit en écrivant des articles de journal, n’étant pas journaliste, et qu’il avait le sentiment de rendre de cette façon service au pays.

On jugera que les parlementaires qui ne sont pas journalistes peuvent montrer de bien d’autres manières leur dévouement à la chose publique.


LE SYNDICAT DES JOURNALISTES
et la QUESTION du CHARBON


Le Conseil d’administration des Syndicats a fait, une démarche auprès de M. le Préfet de la Seine pour obtenir, au profit de nos camarades, le bénéfice d’un supplément mensuel de charbon attribué à certaines catégories de personnes exerçant des professions libérales.

M. le Préfet de la Seine a bien voulu nous l’accorder.

Un certain nombre de nos adhérents résidant en Seine et Oise, nous avons fait, avec le même résultat, la même démarche auprès du préfet du département.

Nous remercions M. Autrand et M. Canal de leur extrême empressement à être agréable aux membres du Syndicat des Journalistes.


LE SYNDICAT DES JOURNALISTES
et la QUESTION des LOYERS


Le Syndicat a remis à M. Nail, garde des Sceaux, un mémoire pour appeler son attention, en ce qui concerne l’application de la loi sur les loyers, sur la situation professionnelle particulièrement difficile et incertaine des journalistes pendant la durée de la guerre.

Le Bulletin exposera dans son prochain numéro les résultats de la démarche faite.

Pour les Journalistes Mobilisés


Le Contrat de Travail des Mobilisés


Le Journal Officiel a publié, le 22 novembre 1918, la loi garantissant aux mobilisés la reprise de leur contrat de travail.

Cette loi a pour origine le projet déposé par M. Colliard, ministre du Travail, le 18 janvier, et qui a été adopté par le Parlement, à l’unanimité, sur le rapport de M. Louis Deshayes à la Chambre et de M. Paul Srauss au Sénat.

Rappelons que bénéficient de cette loi toutes les personnes ayant un contrat de travail, que ce contrat soit écrit ou verbal, formel ou tacite. Elle s’applique également aux gens de mer mobilisés dans les armées de terre et de mer, et à tous les fonctionnaires de l’État, des départements et des communes et des établissements publics.

L’article premier porte que « toutes les administrations, offices, entreprises publiques ou privées devront garantir à leur personnel mobilisé, toutes les fois que ce sera possible, l’emploi que chacun occupait avant sa mobilisation ».

Pour apprécier si la reprise de la personne est possible, il est tenu compte, uniquement, des changements profonds survenus depuis la guerre dans le fonctionnement des entreprises, par suite des destructions, des modifications importantes dans les procédés de travail : perte de clientèle, et, d’autre-part, des maladies, blessures ou infirmités de nature à modifier notablement l’aptitude de la personne à son emploi.

La preuve que la reprise du contrat est impossible incombe à l’employeur. Faute de cette preuve, des dommages intérêts sont accordés à l’employé. La demande de réintégration doit être notifiée par l’employé intéressé par lettre recommandée, dans les quinze jours qui suivent la libération, ou le terme de son hospitalisation ou de sa convalescence, ou la marche normale de l’entreprise.

Tout contrat de travail passé au cours de la guerre en vue du remplacement du mobilisé expire de plein droit lors de la reprise de son emploi par ce dernier.

Des dispositions spéciales visent la question des contrats de travail à durée déterminée, et l’application aux fonctionnaires mobilisés des règles d’avancement ou d’augmentation pour la période pendant laquelle ils ont été mobilisés.

Il va de soi que cette loi est applicable aux journalistes mobilisés.

Nous demandons à nos confrères de bien observer ce fait : pour qu’ils bénéficient de la loi nouvelle, il n’est pas indispensable que leur contrat de travail avant la guerre ait été un contrat écrit et formel. Il leur suffira d’invoquer une situation de fait.

Le Syndicat des Journalistes se met à leur disposition pour les aider à trancher telle ou telle difficulté qui pourrait se produire.

INTERVENTIONS DIVERSES

— Le Syndicat a été appelé à maintes reprises à intervenir pour la solution de conflits entre directeurs de journaux et rédacteurs, spécialement pour le paiement de traitements et d’indemnités, en cas de renvoi injustifié.

Dans la plupart de ces interventions, il a pu aboutir à des solutions satisfaisantes.

— Le Syndicat est intervenu dans le différend Pierre Veber concernant une imputation produite au Journal Officiel.

— Le Syndicat a été convié à intervenir dans une affaire de plagiat, particulièrement caractéristique, dont avait été victime notre confrère Émile Vuillermoz, rédacteur au Temps, membre du Syndicat. Les documents de cette affaire seront publiés dans un prochain numéro du Bulletin.

NOTES ET RENSEIGNEMENTS

Rappelons à nos camarades que le Conseil d’administration du Syndicat, élu par l’assemblée générale, est ainsi composé :

Pierre Audibert, Auguste Avril, Melchior Bonin, René Boureau, Albert Degret, Charles Dulot, Gaston Durand, J. Ernest-Charles, Louis Latapie, Louis Latzarus, Paul Lordon, Victor Margueritte, André Morizet, Fernand Nozière, George Prade, Paul Rousseau, Henri Sabarthez, Mario Sermet, René Sudre, Clément Vautel.

La Commission de contrôle, élue par l’assemblée générale, est composée comme suit :

Paul Bersonnet, Georges Bourdon, Louis Daussat, Charles-P. Géringer, Pierre Veber.

Le Bureau du Syndicat, nommé par le Conseil d’administration, est celui-ci :

Secrétaire Général : J. Ernest-Charles.

Secrétaires : Pierre Audibert, Henri Sabarthez, René Sudre.

Archiviste : Charles Dulot.

Trésorier et Trésorier-adjoint : Mario Sermet, Albert Degret.

Membres du Conseil de discipline : Auguste Avril, René Boureau, Louis Latapie, Paul Lordon, Victor Margueritte.

Nos camarades sont priés d’adresser toute leur correspondance pour le Syndicat, ou pour le Bulletin du Syndicat, au Secrétaire général, 52, rue de Châteaudun, Paris (IXe).

Le Gérant : Henri SABARTHEZ.

Paris. — Imprimerie des Arts et Manufactures,
8, rue du Sentier (M. Barnagaud, imp.)