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la vue que des souches calcinées qui alternent avec de larges roches, aux assises inébranlables, et qui ne laissent que peu de place à la charrue pour attaquer le sol. La forêt était belle et profonde jadis, mais la spéculation et l’âpreté avide des marchands de bois l’ont dévastée ; sans compter le mal qu’ont fait les incendies ; mal tel que la forêt, dévorée jusqu’aux racines, n’offre souvent aux regards que de longues étendues, où d’innombrables squelettes d’arbres consumés, noircis, dépouillés de leurs branches, n’attendent plus que le coup que leur donnera la main de l’homme pour choir sur le sol. Cependant, la forêt revêt encore de temps en temps quelque reste de son ancienne splendeur et l’on a quelques minutes d’illusion en la parcourant, mais des rochers cagneux, des hauteurs dures, âpres et raides qui se superposent au loin, comme des rides sur une face desséchée, ne tardent pas à reparaître et à faire saillir leurs vilains traits sur cette nature contristée.

On traverse ainsi plusieurs paroisses, sans en soupçonner l’existence, la voie passant presque tout le temps soit dans le bois, soit à travers les rochers, soit le long de gorges ou de défrichements qui ne donnent guère l’idée d’une culture voisine, dans un état quelque peu avancé. On passe Saint-Modeste, Saint-François, Saint--