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entretenu, est retourné en maints endroits à l’état inculte et est rempli de hautes herbes et de plantes sauvages qui y croissent en liberté.

Un certain nombre de côtes franchies, on arrive presque sans s’en douter au modeste village de Saint-Gabriel, situé sur un large plateau, dont le sol, de très bonne qualité, donne à peu près tous les produits communs à notre province. On voit au loin, se découpant sur le ciel vif, la crête acérée des Montagnes Bleues, qui sont un rameau détaché des Appalaches. Cette chaîne peu élevée, mais dont le bleu intense se dégage vigoureusement dans une atmosphère limpide, produit un effet saisissant à première vue, mais qui devient bientôt familier et même agréable.

Saint-Gabriel est une petite paroisse qui date de vingt-cinq ans tout au plus. Son premier habitant, le père Piton, y a demeuré absolument seul pendant quatre à cinq ans. Dans bon nombre de colonies nouvelles on trouve ainsi de ces types étranges, soit amoureux de solitude, soit poussés par un besoin irrésistible d’aller en avant de tous les autres, qui ont trouvé le moyen de vivre, de se suffire à eux-mêmes et à leur petite famille, dans un isolement complet. Ce goût, heureusement, est surtout remarquable chez les célibataires endurcis, gens ennemis de leur race et en commerce familier avec les bêtes des bois, qu’ils ne se