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Le chemin de fer

montagne « La Tuque » et le vaste et splendide panorama qui va se déployer presque sans interruption jusqu’aux rivages lointains du lac Saint-Jean.

Le Saint-Maurice s’est frayé un passage étroit à travers la chaîne de montagnes. En atteignant le pied du promontoire, il se resserre et s’engouffre dans un couloir qui n’a guère plus de cent pieds de largeur et est coupé dans le roc vif. Ses eaux ainsi comprimées se hérissent de colère et, pour se débarrasser des entraves que la nature leur oppose, elles se précipitent avec fureur d’un escarpement de quarante pieds de haut, et forment dans leur chute la première cascade de la Tuque. Écumeuses, bondissantes, elles continuent leur course, elles glissent comme des flots d’éclairs sur un plan qui sans cesse s’incline, et, après une série de cascades et de rapides d’environ un mille de longueur, elles vont s’abattre, épuisées et domptées, dans une large et paisible baie, aux bords souriants et doux, qui ne rendent même pas un écho du tonnerre roulant de la chute.

C’est sur le rivage de cette baie qu’était autrefois le poste très important de La Tuque, établi pour les besoins du commerce de bois, et qu’est aujourd’hui la mission qui renferme environ une cinquantaine d’âmes.

La baie est un des endroits les plus poissonneux du Saint-Maurice, et la chute est un des plus puissants pouvoirs hydrauliques de la province.