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manœuvres adroites, comme l’hydre qui se faufile, que l’on tombe le nez sur les barrières, les barrières vous arrêtent et vous empoignent au moment où vous commencez à humer l’air pur de la campagne. Il faut payer un tribut pour franchir ce nouvel obstacle ; est-ce que les barrières seraient aussi des monuments par hasard ? Quand j’arrive devant un de ces retranchements élevés par nous contre nous-mêmes, je me dresse comme en face de l’ennemi ; il me prend envie de les défoncer ; c’est une provocation, ces barrières là ! Qu’est-ce qu’elles viennent faire sur notre chemin ? Connaissez-vous rien d’aussi odieux que de ne pouvoir faire deux pas en dehors de la ville sans payer dix-huit sous ? De toutes les impositions, n’est-ce pas là la plus inexplicable, la plus vexatoire, la plus intolérable ? Nous sommes abîmés de taxes dans la ville, nous y étouffons, et encore, pour en sortir, il faut payer et payer cher. Voilà ce qu’on appelle habiter un pays libre ! Le chemin n’est pas à nous ; pour fouler en voiture le sol de nos pères, qui est bien un peu aussi le nôtre, et qui le sera tant que les américains ne nous auront pas dévorés tout crus, il faut payer quinze cents à une commission de cerbères qui garde mieux les avenues que le diable ne garde ses chaudrons et ses marmites. Eh bien ! je le dis nettement, les barrières sont une indignité. Où, dans quel pays, trouvez-vous un pareil reste des temps barbares ? À Montréal, on en a eu tellement honte qu’on les a reculées de trois milles il y a deux ans. C’est un progrès, cela, et même un grand pas en avant pour un pays où le progrès se fait généralement par pouces au lieu de par milles, mais qu’est ce que trois milles dans une confédération qui va de l’Atlantique au Pacifique, et qui vient de s’appliquer Terreneuve afin d’être plus près du pôle ! Dans bon nombre de campagnes, c’est la même chose ; nous en sommes encore à laisser la voie publique confisquée par l’entreprise privée ; il y a des