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« Ce m’est, s’écriait La Bruyère, une chose toujours nouvelle de contempler avec quelle férocité des hommes traitent d’autres hommes. L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, avides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. Il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue de certaines misères. »

Voilà l’heureux peuple (la majorité des Français) sur lequel régnait le roi-soleil ; sur ce fond sombre et sinistre tranchaient comme des teintes vives et joyeuses, comme des lueurs dorées et sanglantes, la richesse et les privilèges des grands. Le souverain d’abord, pompe énorme et absorbante de tous les sucs vitaux de la nation ; puis, rangées près de lui en tuyaux d’orgues, pompes moindres, mais sans cesse aspirantes, les princes royaux, les princes de l’Église, les favoris et les favorites, les courtisans sans nombre, les financiers et les accapareurs.

Le clergé avait la meilleure et la plus sûre part, car ses bénéfices consistaient en superbes et inaliénables domaines, grossis chaque jour par les dons de riches testateurs, désireux d’acheter par ces dons une place au paradis, aussi belle et aussi privilégiée que celle dont ils avaient joui sur la terre.

« Ce garçon si frais, si fleuri, et d’une si belle santé, dit encore La Bruyère, est seigneur d’une abbaye et de dix autres bénéfices ; tous ensemble lui rapportent six vingt mille livres de revenu, dont il n’est payé qu’en médailles d’or. Il y a ailleurs six-vingt millesix vingts familles indigentes qui ne se chauffent point pendant l’hiver, qui n’ont point d’habits pour se couvrir et qui souvent manquent de pain ; leur pauvreté est extrême et honteuse. »

« Un gouvernement despotique, dit à son tour Raynal, n’est jamais assez puissant pour faire le bien. Il commence par ôter aux sujets ce libre exercice des volontés qui est l’âme, le ressort des nations, et quand il a brisé ce ressort, il ne peut plus le rétablir. »

Je reçois de Toronto la lettre suivante :


À M. A. Buies, rédacteur de la Lanterne,

J’ai lu votre lettre dans les journaux ce matin et j’admire votre ferme et courageuse résolution de résister aux ennemis de la libre parole. Nous sympathisons avec vous dans Ontario et nous souhaitons ardemment votre succès.

Il ressort évidemment des actes du parti ultramontain qu’il est mal à l’aise, qu’il est effrayé de la lumière que répand votre Lanterne.

Brillez, brillez encore, vous disons-nous. Faites ce qui est juste, et résistez fermement à toutes les menaces.

Envoyez-moi votre pamphlet et le compte d’abonnement.

Bien à vous,
Free Speech.