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« C’est à nous, Augustins, que les Philippines appartiennent. (Les Philippines forment un groupe d’îles dont Manille fait partie). Le gouverneur Don Pasquale peut jouer au roi tant qu’il veut, c’est nous qui sommes les vrais souverains. Je voudrais bien voir que la police osât seulement demander le nom d’une personne que notre ordre a prise sous sa protection. »

Je passe à l’Australie, colonie anglaise, colonie qui est à elle seule un continent.

Là, en moins de vingt années, la population s’est accrue dans la proportion de 1 à 6, et le commerce de 7 à 20.

Sydney, dans la province de la Nouvelle-Galles du Sud, qui n’était qu’un bagne il y a quinze ans, renferme aujourd’hui 100,000 âmes.

Que dire du développement incroyable qu’a pris l’Australie en moins de temps qu’il ne nous en faut, à nous, pour constater tout le terrain que nous perdons ?

L’Australie est destinée à être un jour le contrepoids, dans l’est, de l’immense colosse américain, et à conserver ainsi l’équilibre du globe.

En 1796, une de ses provinces, la Nouvelle Galles du Sud, ne possédait que 57 chevaux, 227 bêtes à cornes, et 1,531 moutons.

En 1861, on y comptait 6,110,663 moutons, 2,408,586 bêtes à cornes, et 251,477 chevaux pour 360,000 habitants.

En 1865, le chiffre des moutons était de 11,000,000. Pour toute l’Australie, ce chiffre doit être de 30,000,000, c. à. d. 3 millions de plus que dans la France même.

Mais laissons là les moutons d’Australie, race supérieure aux Canadiens dont la laine ne sert qu’à faire des soutanes, quoiqu’ils soient tondus ras la peau.

Plus loin sur le Pacifique, presque à moitié chemin entre l’Amérique et l’Asie, est l’île de Taiti, placée sous la protection française.

Cette île est dans une rapide décadence. De 60 à 80 baleiniers qui visitaient autrefois son port de Papete, il n’y en a plus que 5 ou 6.

Taiti avait un gouvernement constitutionnel, on l’a aboli.

Les missionnaires protestants avaient établi des écoles et une imprimerie pour la population presque toute protestante ; on a fermé les unes et supprimé l’autre pour laisser le champ libre à l’évêque catholique.

En revanche, on a inauguré un pré Catelan pour des bals publics.

La domination des prêtres est inséparable du ramollissement des caractères qui amène fatalement le relâchement des mœurs.

C’est ce que Napoléon iii a bien compris.