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LXVII
PAR VICQ D’AZYR.

les détails, ils ne sont pas forcés à en admirer l’ensemble ; si jamais des sujets plus grands ont fixé leur attention ; si quelque part le génie a plus d’audace et d’abondance. J’oserai pourtant faire un reproche à M. de Buffon. Lorsqu’il peint la lune déjà refroidie, lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants ; je demande si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ? Je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ? Croyons plutôt que les grands noms ne périront jamais ; et quels que soient nos plans, ne touchons point aux illusions de l’espérance, sans lesquelles que resteroit-il, hélas ! à la triste humanité ?

Pendant que M. de Buffon voyoit chaque jour à Paris sa réputation s’accroître, un savant méditoit à Upsal le projet d’une révolution dans l’étude de la nature. Ce savant avoit toutes les qualités nécessaires au succès des grands travaux. Il dévoua tous ses moments à l’observation ; l’examen de vingt mille individus suffit à peine à son activité. Il se servit, pour les classer, de méthodes qu’il avoit inventées ; pour les décrire, d’une langue qui étoit son ouvrage ; pour les nommer, de mots qu’il avoit fait revivre, ou que lui-même avoit formés. Ses termes furent jugés bizarres ; on trouva que son idiome étoit rude ; mais il étonna par la précision de ses phrases ; il rangea tous les êtres