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LVIII
ÉLOGE DE BUFFON

qu’elle s’avance, et que c’est encore une raison pour vivre, que d’avoir long-temps vécu.

Les calculs que M. de Buffon a publiés sur ce sujet important, ne se bornent point à répandre des consolations ; on en tire encore des conséquences utiles à l’administration des peuples. Il prouve que les grandes villes sont des abîmes où l’espèce humaine s’engloutit. On y voit que les années les moins fertiles en subsistance sont aussi les moins fécondes en hommes. De nombreux résultats y montrent que le corps politique languit lorsqu’on l’opprime, qu’il se fatigue et s’épuise lorsqu’on l’irrite ; qu’il dépérit faute de chaleur ou d’aliment, et qu’il ne jouit de toutes ses forces qu’au sein de l’abondance et de la liberté.

M. de Buffon est donc le premier qui ait uni la géographie à l’histoire naturelle, et qui ait appliqué l’histoire naturelle à la philosophie ; le premier qui ait distribué les quadrupèdes par zones, qui les ait comparés entre eux dans les deux mondes, et qui leur ait assigné le rang qu’ils doivent tenir à raison de leur industrie. Il est le premier qui ait dévoilé les causes de la dégénération des animaux ; savoir, le changement de climats, d’aliments et de mœurs, c’est-à-dire l’éloignement de la patrie et la perte de la liberté. Il est le premier qui ait expliqué comment les peuples des deux continents se sont confondus, qui ait réuni dans un tableau toutes les variétés de notre espèce, et qui, dans l’histoire de l’homme, ait fait connoître, comme un caractère que l’homme seul possède, cette flexibilité d’organes qui se prête à toutes les températures, et qui donne le pouvoir de vivre et de vieillir dans tous les climats.