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THÉORIE DE LA TERRE.

nous avons parlé, qui s’est mêlé avec une partie de la marne qui étoit à la surface.

J’ai choisi cet exemple comme le plus désavantageux à notre explication, parce qu’il paroît d’abord fort difficile de concevoir que le limon de l’air et celui des pluies des rosées aient pu produire une couche de terre franche épaisse de 13 pieds : mais on doit observer d’abord qu’il est très rare de trouver, surtout dans les pays un peu élevés, une épaisseur de terre labourable aussi considérable ; ordinairement les terres ont trois ou quatre pieds, et souvent elles n’ont pas un pied d’épaisseur. Dans les plaines environnées de collines, cette épaisseur de bonne terre est plus grande, parce que les pluies détachent les terres de ces collines, et les entraînent dans les vallées ; mais en ne supposant ici rien de tout cela, je vois que les dernières couches formées par les eaux de la mer sont des lits de marne fort épais : il est naturel d’imaginer que cette marne avoit au commencement une épaisseur encore plus grande, et que des 13 pieds qui composent l’épaisseur de la couche supérieure, il y en avoit plusieurs de marne lorsque la mer a abandonné ce pays et a laissé le terrain à découvert. Cette marne, exposée à l’air, se sera fondue par les pluies ; l’action de l’air et de la chaleur du soleil y aura produit des gerçures, de petites fentes, et elle aura été altérée par toutes ces causes extérieures, au point de devenir une matière divisée et réduite en poussière à la surface, comme nous voyons la marne que nous tirons de la carrière, tomber en poudre lorsqu’on la laisse exposée aux injures de l’air : la mer n’aura pas quitté ce terrain si brusquement