Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VII
PAR CONDORCET.

fiées aux sciences, et ce n’est point le seul exemple que l’histoire de l’Académie puisse présenter de ce noble dévouement. Ce qui rend plus singulier celui de M. de Buffon, c’est qu’alors il n’étoit entraîné vers aucune science en particulier par cet attrait puissant qui force l’esprit à s’occuper d’un objet, et ne laisse pas à la volonté le pouvoir de l’en distraire. Mais tout ce qui élevoit ses idées ou agrandissoit son intelligence, avoit un charme pour lui : il savoit que, si la gloire littéraire est, après la gloire des armes, la plus durable et la plus brillante, elle est de toutes celle qui peut le moins être contestée ; il savoit enfin que tout homme qui attire les regards du public par ses ouvrages ou par ses actions, n’a plus besoin de place pour prétendre à la considération, et peut l’attendre de son caractère et de sa conduite.

Les premiers travaux de M. de Buffon furent des traductions ; anecdote singulière que n’a encore présentée la vie d’aucun homme destiné à une grande renommée. Il désirait se perfectionner dans la langue anglaise, s’exercer à écrire dans la sienne, étudier dans Newton le calcul de l’infini, dans Hales les essais d’une physique nouvelle, dans Tull les premières applications des sciences à l’agriculture ; il ne vouloit pas en même temps qu’un travail nécessaire à son instruction retardât l’instant où il commenceroit à fixer sur lui les regards du public, et il traduisit les livres qu’il étudioit.

Chacune de ces traductions est précédée d’une préface. M. de Buffon a obtenu depuis, comme écrivain, une célébrité si grande et si méritée, que les essais de sa jeunesse doivent exciter la curiosité. Il est naturel