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DISCOURS ACADÉMIQUES.

admis pour être assez loué ? Pourquoi les voûtes de ce lycée ne forment-elles jamais que des échos multipliés d’éloges retentissants ? pourquoi ces murs, qui devroient être sacrés, ne peuvent-ils nous rendre le ton modeste et la parole de la vérité ? Une couche antique d’encens brûlé revêt leurs parois et les rend sourds à cette parole divine qui ne frappe que l’âme. S’il faut étonner l’ouïe, s’il faut les éclats de la trompette pour se faire entendre, je ne le puis ; et ma voix, dût-elle se perdre sans effet, ne blessera pas au moins cette vérité sainte que rien n’afflige plus, après la calomnie, que la fausse louange.

Comme un bouquet de fleurs assorties, dont chacune brille de ses couleurs et porte son parfum, l’éloge doit présenter les vertus, les talents, les travaux de l’homme célébré. Qu’on passe sous silence les vices, les défauts, les erreurs, c’est retrancher du bouquet les feuilles desséchées, les herbes épineuses, et celles dont l’odeur seroit désagréable. Dans l’histoire, ce silence mutile la vérité ; il ne l’offense pas dans l’éloge. Mais la vérité ne permet ni les jugements de mauvaise foi, ni les fausses adulations ; elle se révolte contre ces mensonges colorés auxquels on fait porter son masque : bientôt elle fait justice de toutes ces réputations éphémères fondées sur le commerce et l’abus de la louange ; portant d’une main l’éponge de l’oubli, et de l’autre le burin de la gloire, elle efface sous nos yeux les caractères du prestige, et grave pour la postérité les seuls traits qu’elle doit consacrer.

Elle sait que l’éloge doit non seulement couronner le mérite, mais le faire germer ; par ces nobles motifs, elle a cédé partie de son domaine : le panégyriste doit