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séquent un vrai granit si ces trois substances y étaient réunies comme dans le granit de nature, et non pas nichées séparément comme elles le sont dans ce basalte ; qu’enfin on trouve dans un autre basalte antique, brun ou noirâtre, des bandes ou larges raies de granit rouge à petits grains[1]. Ainsi le vrai basalte antique n’est point une pierre particulière, ni différente des autres basaltes, et tous ont été produits, comme les laves, par le feu des volcans. Et à l’égard des bandes de granit observées dans le dernier basalte comme elles paraissent être de vrai granit, on doit présumer qu’elles ont été enveloppées par la lave en fusion et incrustées dans son épaisseur.

Puisque le feu primitif a formé une si grande quantité de granits, on ne doit pas être étonné que le feu des volcans produise quelquefois des matières qui leur ressemblent ; mais au contraire il me paraît certain que c’est par la voie humide que les cristaux de roche et toutes les pierres précieuses ont été formées ; je pense qu’on doit regarder comme des corps étrangers toutes les chrysolithes, hyacinthes, topazes, calcédoines, opales, etc., qui se trouvent dans les différentes matières fondues par le feu des volcans, et que toutes ces pierres ou cristaux ont été saisis et enveloppés par les laves et basaltes lorsqu’ils coulaient en fusion sur la surface des rochers vitreux, dont ces cristaux ne sont que des stalactites que l’ardeur du feu n’a pas dénaturées. Et quant aux autres cristallisations qui se trouvent formées dans les cavités des laves, elles ont été produites par l’infiltration de l’eau après le refroidissement de ces mêmes laves.

Aux observations de M. Ferber et de M. le baron de Dietrich sur les matières volcaniques et volcanisées, nous ajouterons celles de MM. Desmarest, Faujas de Saint-Fond et de Gensane, qui ont examiné les volcans éteints de l’Auvergne, du Velay, du Vivarais et du Languedoc ; et, quoique j’aie déjà fait mention de la plupart de ces volcans éteints[2], il est bon de recueillir et de présenter ici les différentes substances que ces observateurs ont reconnues aux environs de ces mêmes volcans, et qu’ils ont jugé avoir été produites par leurs anciennes éruptions.

M. de Gensane parle d’un volcan dont la bouche se trouve au sommet de la montagne qui est entre Lunas et Lodève, et qui a dû être considérable, à en juger par la quantité de laves qu’on peut observer dans tout le terrain circonvoisin[3]. Il a reconnu trois volcans dans le voisinage du fort Brescou, sur l’un desquels M. l’évêque d’Agde (Saint-Simon-Sandricourt) a fait, en prélat citoyen, des défrichements et de grandes cultures en vignes qui produisent de bons vins. Ce vieux volcan, stérile jusqu’alors, est couvert d’une si grande épaisseur de laves que le fond du puits que M. l’évêque d’Agde a fait faire dans sa vigne est à cent quatre pieds de profondeur, et entièrement taillé dans ce banc de laves, sans qu’on ait pu en trouver la dernière couche[4], quoique le fond du puits soit à trois pieds au-dessous du niveau de la mer[5]. M. de Gensane ajoute qu’il a compté, dans le seul bas Languedoc, dix volcans éteints, dont les bouches sont encore très visibles.

  1. « Ces bandes, dit M. Ferber, sont unies à la pierre sans aucune séparation, non comme les cailloux dans les brèches, ni comme si c’était d’anciennes fentes refermées par du granit, mais exactement comme si le basalte et le granit avaient été mous en même temps, et s’étaient incorporés ainsi l’un dans l’autre en s’endurcissant… Ce basalte diffère du précédent en ce que les particules qui constituent le granit y sont réunies, et que par là elles forment un véritable granit ; au lieu que, dans l’espèce précédente, ces parties du granit sont dispersées et placées chacune séparément dans le basalte… Plusieurs savants italiens sont dans l’opinion que le granit même peut aussi être formé par le feu. » Lettres sur la Minéralogie, p. 350.
  2. Voyez Histoire naturelle, t. Ier, p. 295.
  3. Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 46.
  4. Idem, t. II, p. 158 et 159.
  5. Dans l’île d’Ischia, autrefois Ænaria, et l’une des anciennes Pythécuses, il y a des